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Traduit de l’anglais par Juliette Colinas
Depuis les années 1970, la capacité des animaux à se reconnaître dans les miroirs a été utilisée comme critère de base pour déterminer s’ils possèdent une conscience de soi similaire à la nôtre. Or, selon ce critère, cela ne serait le cas que pour une poignée espèces: les dauphins, les autres grands singes, les pies, les raies manta, et peut-être les cochons. La conscience de soi, si fondamentale à notre propre expérience, pourrait être considérée comme une rareté.
Toutefois, le test du miroir a ses critiques. Certains scientifiques disent qu’il discrimine les créatures qui ne dépendent pas de la vision autant que nous le faisons. Débarrassez-vous des miroirs, et utilisez des tests qui sont adaptés aux inclinations sensorielles des autres espèces, et beaucoup plus d’animaux passeraient ces tests. À savoir: les chiens, qui échouent au test du miroir systématiquement, et souvent comiquement, mais qui, lorsqu’on leur fait passer un test basé sur l’odeur, semblent tout à fait conscients d’eux-mêmes.
Dans une étude publiée dans la revue Behavioral Processes, la psychologue Alexandra Horowitz du Collège Barnard décrit un test de reconnaissance du soi basé sur l’olfaction, qui a été administré à 36 chiens domestiques, auxquels l’odeur de leur propre urine ainsi que celle d’un autre chien ont été présentées. De façon peu surprenante, les chiens ont différencié les deux. Ensuite, dans une seconde étape du test, Horowitz a mélangé l’odeur de chacun des chiens avec de l’huile d’anis. Les chiens ont montré un intérêt marqué pour cette odeur altérée, passant plus de temps à la sentir que celle de leur odeur non modifiée ou celle de l’huile elle-même.
Conceptuellement, cela ressemblait à la partie cruciale du test d’autoreconnaissance du miroir, dans lequel un animal utilise un miroir pour étudier une caractéristique de lui-même inattendue, telle que de la peinture que le chercheur aurait subrepticement appliquée à l’arrière de sa tête. » C’est là que l’idée du ‘soi’ peut être introduite « , dit Horowitz de cette partie de l’étude. » Hé, quelque chose a changé dans mon odeur! «
Horowitz prend garde à noter que la reconnaissance du soi n’est pas nécessairement la même chose que la conscience de soi. » Moi » pour un chien pourrait vouloir dire quelque chose de très différent de » moi » pour un humain. » La conscience de soi est beaucoup plus riche que de simplement se reconnaître « , dit-elle. Cependant, nous savons que d’autres éléments importants constitutifs du sens du soi et des autres dans la conscience de soi humaine se retrouvent également chez les chiens – tels que la mémoire, l’émotion, et les relations sociales.
Pour la plupart des gens qui connaissent les chiens, cela n’apparaîtra pas surprenant. Ils se comportent certainement comme s’ils étaient conscients d’eux-mêmes. Mais les résultats obtenus par Horowitz suggèrent un imprimatur scientifique pour cette intuition. Les résultats semblent aussi pointer vers une question éthique: à la lumière de ces connaissances, allons-nous traiter les chiens, domestiques ou sauvages, de façon différente?
Cela dépasse la portée de la présente étude. Dans l’immédiat, les tests de Horowitz fournissent peut-être un paradigme pour tester d’autres espèces pour lesquelles la conscience de soi reste à être validée scientifiquement. La reconnaissance d’individus apparentés basée sur l’odeur se retrouve à travers le règne animal; peut-être que certains de ces animaux se reconnaissent eux-mêmes de cette façon. » D’autres animaux pourraient être également intéressés par leur propre odeur altérée « , dit Horowitz, » mais cela n’a pas été beaucoup testé « .
Table des matières
Les animaux ont-ils conscience d’eux mêmes?.
Cependant nous pensons qu’en faire l’économie pourrait être fort coûteux scientifiquement : lorsque l’on met en évidence des phénomènes aussi importants qu’une représentation de soi stable dans l’espace et le temps, il devient plus coûteux au plan scientifique de ne pas postuler l’existence de la conscience animale que de le postuler. Nous pensons donc quant à nous qu’il est temps d’envisager et d’étudier son existence chez certains animaux, tels que les dauphins et les orques, tant ils semblent capables de se » scénariser » dans le temps et l’espace.
Quelques points spécifiques :
La conscience de soi : bref historique
L’étude d’un animal-sujet est devenu d’actualité dans les années 1920 avec l’émergence du courant phénoménologique impulsé par l’Autrichien Franz Brentano(1838 – 1917) et son élève Edmund Husserl, qui montrait les limites du dualisme cartésien. Dans leur sillage est apparue une » psychologie phénoménologique » qui garde encore actuellement son pouvoir de questionnement lorsque l’on s’intéresse à la dimension subjective du vivant. On peut citer E. Strauss (1935), Jakob Von Uexküll(1956), Frederik Jacobus Buytendijk (1952, 1958) qui ont posé les jalons d’une psychologie comparée homme-animal. Mais ce courant n’a exercé qu’une influence marginale sur la connaissance psychologique de l’animal car l’environnement scientifique de la fin du XIXe au XXe siècle a évacué la question d’un animal-sujet. Ainsi Charles Darwin (1809-1882), qui rétablissait une continuité entre l’homme et les autres espèces, n’avait pas » besoin « de s’intéresser à la subjectivité animale dans la mesure où les aspects physiques et morphologiques étaient plus accessibles pour rendre compte de l’évolution des espèces. De même la psychologie behaviouriste (avec notamment John Watson autour de 1920), qui plaçait les organismes à égalité face à l’apprentissage (les rats, jugés représentatifs, étaient très utilisés), revendiquait l’absence de prise en compte des processus non observables (la » boîte noire « ) et s’attachait à expliquer le comportement essentiellement par des processus d’association et de conditionnement. De façon plus surprenante, l’éthologie initiée par Konrad Lorenz dans les années 1930-40, qui a mis au premier plan les caractères spécifiques des différentes espèces animales, a adopté un point de vue extérieur sur l’animal en mettant l’accent sur les invariants comportementaux (les instincts) produits en relation avec des contextes environnementaux et des stimuli spécifiques. L’approche cognitive contemporaine tend quant à elle à fragmenter le psychisme pour l’étudier empiriquement (ce qui détermine en grande partie ses méthodes). Elle postule des processus cognitifs sans nécessairement s’intéresser aux aspects subjectifs ou de conscience qui leur sont associés.
L’éthologie cognitive de Griffin. On peut citer toutefois la démarche originale d’éthologie cognitive de Donald Griffin(1915-2003), dans les années 1980 (1). Faisant fi du principe de parcimonie (l’hypothèse la plus simple est la plus probable), elle n’hésite pas à attribuer à des organismes » inférieurs » des états de conscience. Cet a priori théorique offre l’avantage de pouvoir poser la question d’une conscience ; cette conscience du corps, voire conscience de soi, ne se manifesterait pas par » tout ou rien « , mais aurait des degrés différents. La primatologie tient là, historiquement, une place particulière. À partir de la deuxième partie du XXe siècle, elle s’est située dans une perspective de psychologie comparée en s’interrogeant sur la continuité des fonctions mentales entre l’homme et l’animal. Cette perspective s’explique autant par la proximité de l’homme avec les espèces étudiées que par l’origine des chercheurs qui la défendent, issus à la fois de la biologie et de la psychologie. Ainsi dans une expérience célèbre de 1970, Gordon Gallup(State University of New York) a montré que certains primates non humains possèdent une représentation de soi (2). Des chimpanzés (Pan troglodytes), que l’on endort et sur le front desquels on trace une marque de couleur, y portent la main dès qu’ils se réveillent et se voient dans un miroir. Ils sont par ailleurs capables d’utiliser un miroir pour explorer des parties cachées de leur corps. Gallup avait d’abord interprété ce résultat en termes de conscience de soi ; puis en réponse à des critiques, il a postulé que ces sujets étaient en mesure de traiter leur image dans le miroir comme le reflet d’eux-mêmes et non comme un congénère : il s’agissait d’une représentation de soi. Par la suite, le concept de Theory of mind proposé par David Premack et Guy Woodruffen 1978 (3), c’est-à-dire la capacité à attribuer et à comprendre les états mentaux tels que les désirs ou les intentions, est devenu un cadre générateur de nombreuses études empiriques chez les primates.
De la reconnaissance à la conscience. Par souci de scientificité, la » conscience » chez les animaux a trop longtemps été occultée. Comment mettre en évidence une conscience de soi ?Comme le faisait remarquer le philosophe Maurice Merleau-Ponty (1908-1961), d’un point de vue phénoménologique, se reconnaître c’est apprendre à considérer son corps comme un objet (1). Si le toucher arrive à réfléchir » en temps réel « l’action du corps, la connaissance qu’il donne de celui-ci est encore lacunaire, et la vue sans reflet ne permet pas de distanciation. Pour Merleau-Ponty, notre propre schéma corporel est un moyen de connaître les autres corps, et en retour ceux-ci nous permettent de connaître notre corps. Il ajoute que contrairement à la main qui touche l’autre main, il ne se voit que dans le miroir. Avoir un Soi signifie donc que l’on possède une construction visualisable et distanciée de son corps comme subjectivité regardée. Etant donné que le Soi reste soi indépendamment du moment et du lieu, nous pourrions faire de cette permanence spatio-temporelle un pré-requis indispensable à l’analyse de la reconnaissance d’un Soi. Mais ne serait-il pas possible de postuler un » Soi situé « dépendant de situations locales, voire de certains états psychophysiologiques ? De la même façon, pourquoi ne pas considérer des circonstances où la reconnaissance de soi se réduirait à la reconnaissance de mouvements (identité d’action) ou de parties du corps ? Cela aurait pour conséquence de ne pas répondre à la question » un animal se reconnaît-il ? » simplement par » oui » ou par » non « , mais de définir une continuité dans cette capacité cognitive parmi différentes espèces animales. Par exemple, un animal peut échouer au test du miroir en reconnaissant néanmoins une partie de son corps dans le miroir. Mais il lui manquera une image stable de lui-même qu’il pourrait confronter à son reflet du moment. Pour simplifier : il voit » quelque chose » qui lui est lié, mais il ne se perçoit pas comme une entité globale, stable, évoluant dans le temps et l’espace.
Les animaux ont-ils une conscience ?
Les photographies de singes de laboratoire à qui l’on plante des électrodes dans le crâne, ou de cobayes sur qui l’on pratique une vivisection, n’en finissent plus d’émouvoir l’opinion publique. La chasse au phoque dans le Nord canadien, les reportages sur le transport de bétail dans des conditions d’entassement et de chaleur extrêmes, font aujourd’hui partie des images qui tourmentent la conscience des citoyens, lesquels sont souvent désemparés face aux émotions soulevées par ces questions. Comment savoir ce que ressent un animal, quelle perception il a de sa propre souffrance et de sa mort ? De cette question dépend en partie l’attitude de l’homme vis-à-vis de l’expérimentation animale, de l’élevage et de l’alimentation, mais aussi du simple entretien de son jardin : un escargot avalant un vermicide, un rat ingérant du poison, un cafard asphyxié par des aérosols toxiques, ressentent-ils les affres de l’agonie ? Quelle perception et quelle conscience de la douleur un cafard, un escargot ou un rat ont-ils ?
Question épineuse et, fondamentalement, sans réponse. Nous pouvons néanmoins nous guider grâce aux connaissances sur les niveaux de conscience propres aux différentes espèces animales. En effet, le problème de la conscience a été longtemps un sujet débattu par les philosophes, mais des biologistes se sont récemment emparés de la question. La majorité d’entre eux abandonne le dualisme classique cher à Descartes (l’esprit et le corps seraient deux entités indépendantes et distinctes) et adopte le point de vue moniste selon lequel » l’esprit, c’est ce que fait le cerveau « , comme l’écrit simplement le physiologiste australien Derek Denton.
Les degrés de conscience animale
Rappelons que pour Descartes les animaux, privés d’âme, sont de pures machines, insensibles et inconscientes. Cette conception qui accorde un statut spécial à l’être humain sera bousculée par la théorie de l’évolution, énoncée pour la première fois au début du xixe siècle par Lamarck et popularisée 50 ans plus tard par Darwin. On ne s’étonnera pas de lire sous la plume de Darwin que les animaux présentent des formes de conscience plus ou moins développées, et que la différence entre l’homme et les autres animaux n’est pas une question de nature, mais de degré. Comme le souligne le philosophe Jean-Pierre Schaeffer, la biologie de l’évolution ruine les prétentions du dualisme cartésien à situer l’expérience de la conscience en dehors et au-dessus de l’animalité et » rapatrie l’être humain dans l’histoire de la vie sur terre « .
Le phénomène de la conscience résulte, dans cette optique, d’une double émergence, évolutive et fonctionnelle : elle est apparue progressivement chez des espèces au système nerveux de plus en plus développé et, en tant qu’adaptation évolutive, elle représente une propriété fonctionnelle du cerveau. Compte tenu du fait que le concept de conscience est ainsi vidé de toute idée de substance, puisqu’elle n’est réduite ni à un pur esprit ni à une pure matière, mais conçue comme une aptitude propre à certains organismes, il convient de se demander, non pas tant si les animaux ont une conscience, mais à partir de quel moment l’exécution de tel ou tel type de comportement suppose un certain niveau de conscience.
Conscience perceptive et conscience réflexive
Pour nous aider à avancer dans la compréhension de cette question délicate, rappelons la conception que se faisait Bergson de la conscience. Plutôt que de distinguer de façon radicale, à la manière de Descartes, la conscience de l’inconscience, et de faire de la première le privilège de notre espèce, Bergson admettait que la conscience peut fluctuer entre un état d’extrême lucidité où nous sommes capables d’agir en pleine connaissance de cause, et un état quasi inconscient où l’action devient automatique.
La plupart des neurobiologistes considèrent aujourd’hui que la conscience est apparue d’abord, au cours de l’évolution, sous une forme perceptive primaire et immédiate nommée conscience phénoménale, et que le neurologue Antonio Damasio nomme » conscience-noyau » : celle-ci est partagée par de nombreuses espèces animales et permet à des cerveaux relativement complexes de synthétiser des images ou » scènes unitaires « , comme les qualifie le biologiste américain Gerald Edelman, durant un laps de temps de quelques secondes au moins, à partir des informations captées par les récepteurs sensoriels.
À ce niveau de conscience apparaissent des comportements qui se distinguent tout d’abord des simples réflexes. Un réflexe se caractérise par le déclenchement automatique d’un mouvement partiel de l’organisme consécutif à un stimulus externe ou interne. En revanche, la conscience perceptive s’intercale, pour ainsi dire, entre les flux sensoriels et moteurs, ce qui permet aux animaux de fixer momentanément leur attention sur des aspects particuliers de l’environnement et d’élaborer des réponses plus flexibles, plus contextualisées, en un mot plus adaptées, nommées comportements.
Par ailleurs, la conscience perceptive a évolué, principalement chez l’être humain, vers une conscience dite réflexive, capable de se porter sur ses propres perceptions, émotions et pensées – même si, comme on le verra, l’ébauche d’une conscience de soi n’est pas totalement absente chez certaines autres espèces, tels les singes anthropoïdes, le dauphin, l’orque et l’éléphant. Ainsi les différents niveaux de conscience représentent-ils des processus nerveux centraux, sélectionnés par l’évolution et propres aux animaux dotés d’un système nerveux, qui leur confèrent un potentiel adaptatif indéniable dans la mesure où ils donnent lieu à des comportements flexibles et intentionnels, c’est-à-dire orientés vers des buts. C’est le cas d’un chimpanzé qui peut former l’intention de briser une noix avec une pierre : on peut penser qu’il se représente consciemment l’action de s’emparer d’une pierre et de frapper le fruit, avant de passer à l’acte.
Pour illustrer la différence entre un mouvement réflexe et un comportement, prenons l’exemple de la grenouille dite spinale, dont l’encéphale a été détruit. Lorsque l’on dépose sur le dos de l’animal un morceau de coton imbibé d’acide, on constate que les pattes postérieures de la grenouille décérébrée bougent en direction du coton et finissent par l’enlever. Ces mouvements sont déclenchés par l’acide qui met en jeu les récepteurs nocicepteurs de la peau (les récepteurs de la douleur), ce qui provoque la propagation d’influx nerveux en direction de la moelle épinière restée intacte où ils activent d’autres récepteurs qui, en retour, déclenchent la contraction des muscles des pattes postérieures. Cette séquence nerveuse porte le nom d’arc réflexe. Les mouvements des pattes, quoique coordonnés, sont automatiques et inconscients.
Du réflexe au comportement
En revanche, si l’on déposait le même coton imbibé d’acide sur le dos d’une grenouille dont le cerveau est intact, sans doute l’animal sursauterait-il, se mettrait-il à bouger, à sauter et, si possible, à plonger dans une mare pour se libérer du stimulus douloureux : il s’agirait d’un comportement conscient, dans la mesure où certaines régions cérébrales sont requises pour intégrer les influx nerveux venus de la périphérie, les analyser et déclencher une réponse globale chez l’animal, le comportement de fuite qui tient compte d’autres éléments du contexte, par exemple la présence d’une flaque d’eau.
Pour illustrer un tel comportement intentionnel, on peut citer la construction du nid chez les hirondelles rustiques, à leur retour au printemps dans nos contrées. Certes, à la base de cette forme d’intentionnalité, il y a le déterminisme hormonal qui oriente le comportement des animaux vers l’exécution de la tâche. Mais celle-ci requiert aussi de leur part un niveau de conscience. Tout d’abord, les hirondelles ne construisent pas leur nid n’importe où, mais choisissent de préférence des endroits protégés, comme des granges, des étables, des écuries, voire des greniers, des garages ou des ponts. Par ailleurs, le nid n’est pas fabriqué avec n’importe quel matériau, les deux futurs parents utilisant des brindilles sèches qu’ils fixent avec de petites boules de boue malaxée, récupérée dans les cours d’eau et les flaques, l’intérieur du nid étant garni de plumes et de duvet de poule. Enfin, sachant que la confection d’un nid demande environ une huitaine de jours, ceci suppose que les animaux soient conscients de l’état d’avancement de leurs travaux, de la solidité de leur œuvre et de son achèvement.
L’expérience perceptive consciente n’est pas seulement extéroceptive (tournée vers l’extérieur), liée aux cinq sens classiques : depuis les travaux du neurophysiologiste anglais Charles Scott Sherrington (1857-1952), on sait qu’elle a aussi une composante intéroceptive très importante correspondant aux différents sens qui nous renseignent sur l’état du corps. Parmi les expériences intéroceptives figure la douleur. Se pose alors la question de savoir si, d’un point de vue évolutif, on peut attribuer aux poissons et aux amphibiens la capacité de ressentir la douleur, c’est-à-dire d’éprouver ce qu’en phénoménologie on nomme un vécu de conscience.
Les poissons ressentent-ils la douleur ?
Cette question a été traitée récemment, de façon très détaillée, par le physiologiste Grover Pitts, de l’Université de Virginie, qui s’est demandé si la structure du système nerveux des poissons rendait possible l’expérience subjective de la douleur, ou bien si les comportements de fuite déclenchés par des stimulus nociceptifs pouvaient être considérés comme des manifestations extérieures sans qu’ils soient nécessairement accompagnés d’une perception consciente intériorisée.
Selon G. Pitts, les structures nerveuses que l’on pense être associées à la douleur sont présentes chez les mammifères, les reptiles, les amphibiens et les poissons. Il y a donc lieu de supposer que toutes ces espèces sont susceptibles de ressentir une certaine expérience de la douleur. L’équipe de Lynne Sneddon, à l’Université d’Édimbourg, a récemment montré que si l’on injecte dans les lèvres de truites de l’acide acétique ou du venin d’abeilles, les poissons manifestent des mouvements de balancement comparables à ceux que l’on observe chez des mammifères stressés ; de plus, ils frottent leurs lèvres contre le gravier et les parois de l’aquarium et mettent trois fois plus de temps à se réalimenter que les poissons témoins. L. Sneddon et ses collègues en déduisent que l’on ne peut pas réduire ces comportements à des réponses purement réflexes et que les poissons sont susceptibles d’éprouver de la douleur.
Le zoologiste James Rose, de l’Université du Wyoming, réfute ces conclusions car, selon lui, les poissons n’ont pas la masse nerveuse critique pour éprouver la douleur, puisqu’ils n’ont pas de néocortex. Le raisonnement de J. Rose est fondé sur de récentes observations qui montrent, grâce à des expériences d’imagerie cérébrale chez l’être humain, la mise en jeu du cortex cingulaire et du cortex insulaire dans la genèse du ressenti douloureux : ces structures cérébrales sont absentes chez les poissons. Certes, aux yeux de D. Denton, le raisonnement de J. Rose implique que l’évolution des êtres vivants se serait faite de façon linéaire et que le niveau de conscience serait proportionnel, au plan évolutif, à la complexité du tissu nerveux. Or la phylogenèse des lignées évolutives ne s’est pas faite selon un axe linéaire unique qui nous conduirait d’un seul trait des espèces primitives vers les espèces plus évoluées. Les chemins de l’évolution ont été multiples, si bien que de nombreuses espèces ont évolué sur des voies parallèles.
Douleurs sourdes et diffuses
L’histoire évolutive des oiseaux est à ce titre exemplaire puisqu’elle est totalement indépendante de celle des mammifères. Or qui pourrait ne pas leur reconnaître une conscience égale, sinon parfois supérieure, à celle des mammifères, eux qui vivent souvent dans des sociétés complexes, ont des systèmes de communication vocale diversifiés, s’occupent de leur progéniture de façon remarquable, possèdent un bec capable de tisser et d’utiliser des outils, ont une mémoire étonnante et une vision exceptionnelle ? Il s’ensuit, selon D. Denton, que » la conscience en tant que propriété fonctionnelle du tissu neuronal est susceptible d’avoir évolué dans des directions divergentes… et que des formes de conscience différentes ont pu évoluer « .
Du reste, aux yeux de A. Damasio, l’apparition de la » conscience-noyau » ou » protoconscience implicite » repose essentiellement sur des régions du cerveau évolutivement plus anciennes, situées au cœur du cerveau plutôt qu’à sa surface. Parmi ces régions figurent le système limbique et en particulier l’amygdale cérébrale, impliqués dans la genèse des émotions. Or ce système est présent aussi bien chez les poissons que chez les amphibiens. Le comportement d’une truite se débattant pour se défaire de l’hameçon en nageant vite, en bondissant et en secouant vigoureusement la tête, peut ainsi être considéré comme une pure réaction comportementale sans vécu de conscience, ou comme le signe d’une douleur vécue consciemment, mais à un niveau très bas. En effet, les neurones qui conduisent les influx nerveux douloureux du corps au cerveau sont complexes chez ces animaux, car ils se terminent dans de nombreuses structures primitives de l’encéphale, en particulier le système limbique. Ce système, dont l’origine évolutive est ancienne, véhicule chez l’homme des douleurs sourdes et diffuses. La truite se débattant ressentirait une telle douleur sourde, et non celle que l’on peut imaginer chez un être humain qui aurait un hameçon planté dans la lèvre.
En tout état de cause, il faudrait que la truite sache parler pour que nous puissions le savoir. Mais même dans ce cas, et pour reprendre une réflexion amusante du philosophe Ludwig Wittgenstein : » Quand bien même un lion saurait parler, nous ne pourrions le comprendre. » Wittgenstein voulait sans doute suggérer par là que si un lion pouvait parler, soit nous ne comprendrions pas sa langue, soit plus sérieusement les aspects qualitatifs de l’expérience subjective qu’il exprimerait dans son langage nous échapperaient en grande partie. L’accès direct à n’importe quelle forme de conscience animale nous étant inaccessible, nous ne pouvons faire l’hypothèse de son existence que de manière indirecte, et par analogie, sur la base d’observations comportementales ou neurophysiologiques. En d’autres termes, le pêcheur à la truite peut se consoler en supposant qu’il y a peu de chances que l’animal ressente la douleur d’un hameçon comme nous la ressentirions, mais il ne pourra jamais en être certain.
La conscience kinesthésique
La conscience de soi est généralement considérée comme la forme évolutive la plus élaborée du phénomène conscient et un privilège de notre espèce. Elle peut être définie comme l’aptitude à faire la différence entre les désirs, les émotions et les intentions de soi et d’autrui, ou encore comme une prise de conscience des états mentaux de soi et de ceux d’autrui. On sait que ce niveau de conscience commence à émerger chez les bébés humains à l’âge de 18 mois environ. Jusqu’à cet âge, confrontés à leur image dans un miroir, ils se comportent comme la plupart des animaux, traitant le reflet comme s’il s’agissait d’un autre bébé : ils tentent de le toucher, de l’embrasser et de jouer avec lui ou encore de le chercher derrière le miroir. Peu à peu, ce comportement évolue et le jeune enfant finit par s’examiner soi-même et par faire coïncider les mouvements de l’image avec ses propres mouvements, si bien que vers l’âge de deux ans, l’image de soi devient suffisamment stable pour qu’il puisse s’appliquer, de manière autoréférentielle, son prénom ou le pronom » moi « .
Le psychologue américain Gordon Gallup a montré dès 1970 que des chimpanzés, mâles et femelles, placés devant un miroir, apprennent en quelques jours à ne plus réagir à leur image comme s’il s’agissait d’un congénère dont il faut se défendre, et à manifester des réactions autocentrées : ils font des grimaces, retroussent les lèvres pour inspecter l’intérieur de leur bouche, retirent des bouts d’aliments coincés entre leurs dents, explorent des parties normalement cachées de leur corps, bref traitent l’image comme le reflet de leur propre image. G. Gallup a alors imaginé un protocole expérimental devenu célèbre, nommé test de la tache. Il a pratiqué une anesthésie générale sur les chimpanzés, puis a dessiné une marque colorée sur le front des animaux endormis.
Quand, au réveil, les animaux ont été placés devant un miroir, ils ont porté la main sur la tache présente sur leur front, puis inspecté leurs doigts en les reniflant. G. Gallup a interprété ces comportements en termes de conscience de soi : quand un animal touche, sur le miroir, la tache qu’il voit sur le front de son » congénère « , c’est qu’il n’a pas conscience que ce qu’il observe dans le miroir est son propre reflet. Au contraire, si, face au miroir, il frotte son front, c’est qu’il a conscience que le miroir lui renvoit sa propre image. Plus tard, d’autres chercheurs ont obtenu, en utilisant le même protocole, les mêmes résultats avec des orangs-outans, des dauphins, des orques et, dernièrement, des éléphants. En revanche, les résultats se sont révélés ambigus avec les gorilles et négatifs avec les macaques, les singes cynocéphales (mandrills ou babouins) et les gibbons : parfois, les animaux touchent la tache sur le miroir, parfois sur leur propre front.
Le psychologue américain Daniel Povinelli, de l’Université de Louisiane, a contesté l’interprétation de G. Gallup en insistant sur le fait que les chimpanzés, comme les tout petits enfants, établissent une correspondance entre les mouvements qu’ils voient dans le miroir et leur propre comportement : il s’agirait d’une conscience » kinesthésique « , c’est-à-dire d’une identification du sens intime qu’ils ont de leurs mouvements, ou kinesthèses, avec l’image qu’ils voient d’eux dans le miroir en train de bouger quand ils bougent.
Pour D. Povinelli, cette forme de conscience diffère de ce que nous nommons conscience de soi, car elle se fonde sur la reconnaissance que les anthropoïdes ont de leur comportement, et non de leurs états psychologiques. Il montre que les anthropoïdes, mais aussi certains autres mammifères, ont progressivement acquis, grâce à la conscience explicite qu’ils ont de leurs mouvements, la capacité de prévoir les comportements des autres, ce qui leur suffit pour constituer des groupes sociaux sophistiqués fondés sur la coopération, la réconciliation et la tromperie. Par exemple, un chimpanzé sait reconnaître qu’un de ses congénères a une attitude conciliatrice en observant certains mouvements ou attitudes de sa part, car ce sont ces mêmes attitudes qu’il adopte lorsqu’il souhaite lui-même apaiser une situation dangereuse. Dans ce type de rapports, il n’est pas nécessaire de supposer que le chimpanzé a conscience de ses états mentaux, de sa colère ou de son désir d’apaisement. Il lui suffit d’avoir une perception consciente de ses mouvements, de ceux des autres, et des types de rapports sociaux qui leur sont associés. Et de fait, on sait combien les grands singes, mais aussi les dauphins et les orques, sont capables de reproduire consciemment, et non pas simplement par mimétisme, les comportements de leurs congénères, voire ceux des hommes.
Le respect des » petites formes de conscience «
En conclusion, il semble que la conscience chez les diverses espèces animales soit effectivement plus une question de degré que de » tout ou rien « . Il existe au moins trois paliers de conscience, qui vont de la simple conscience perceptive du poisson ou de l’hirondelle jusqu’à la conscience réflexive de ses propres états mentaux chez l’être humain, en passant par la conscience kinesthésique des chimpanzés. Et il est évident que la perception de la douleur, thème si souvent évoqué lorsqu’on parle des animaux, est d’autant plus aiguë que le niveau de conscience de l’animal en question est plus développé.
Nous savons bien aujourd’hui qu’il existe au moins deux circuits neuronaux de la douleur, l’un, récent, présent chez les mammifères, l’autre, ancien, propre à tous les vertébrés, et que ces deux systèmes suscitent des expériences douloureuses de qualité et d’intensité différentes. Mais il convient aussi d’ajouter que nous avons à présent à notre disposition des critères objectifs, comportementaux et physiologiques, révélant que la conscience n’est pas indispensable pour perturber profondément le fonctionnement normal des organismes victimes d’agressions nociceptives. Ce savoir est largement suffisant pour que nos sociétés établissent des règles strictes afin de protéger les animaux contre les dommages que nous leur infligeons encore trop souvent par ignorance, indifférence ou inconscience.
EXHIBITION RA’ANAN LEVY
L’épreuve du miroir (The Mirror Test)
December 7, 2019 – March 8, 2020
At the Maeght Foundation
Guest curator: Hervé Lancelin, President of the Pinacothèque in Luxembourg.
Between 7 December 2019 and 8 March 2020, the Fondation Maeght presents « L’épreuve du miroir » (« The Mirror Test »), an exhibition devoted to the pictorial world of Ra’anan Levy, in which curator Hervé Lancelin, a close friend of the artist and familiar with his work, assembles around thirty of Levy’s paintings and a number of his prints, which will be placed alongside the Fondation Maeght’s own collections.
The French-Israeli artist consistently depicts idiosyncratically chosen fragments of everyday reality, thereby asserting his personal style while exploring his favourite themes: the configuration of space, the passage of time, the absence of people, the presence of objects, inhabited and uninhabited spaces, the play of visual perception and imagination transforming everyday life into a strange new reality.
The principle that can be seen in Ra’anan Levy’s work, acting as its guiding thread, is AMBIGUITY. On one hand, the works that represent plenitude to the point of BULIMIA, such as work tables and studios full of useful or useless objects, or the paintings depicting libraries flooded with piles of books discarded in all directions. On the other, subjects that are practically ANOREXIC in their sparseness, such as empty rooms and apartments, or fragments of mirrors. The element that links such contrasting subjects is simple: if we look at the pots of paint on the work tables, we see that they are always open, inviting us to enter, like Alice entering wonderland, a labyrinth of empty rooms and mirrors. There is always an opening inviting the viewer to enter.
Photo d’un singe prise par Moor
Licence Creative Commons
Le test du miroir a été inventé par Gordon G. Gallup, chercheur américain à l’université d’Albany (New York). Il est utilisé pour déterminer la conscience de soi chez les animaux, si un animal se reconnaît dans un miroir, on en déduit qu’il a conscience de soi. Pour être sûr que l’animal se reconnait, on place une tache colorée (et inodore) sur l’animal et on regarde si, à l’aide du miroir, il la remarque. Bien sûr, ce test n’est qu’un indicateur, ce n’est pas parce qu’un animal ne se reconnaît pas dans un miroirqu’il n’a pas conscience de soi. Les animaux ayant une mauvaise vue, par exemple, ne peuvent pas réussir ce test. De plus, il est difficile de faire passer le test à toutes les espèces et ce n’est pas parce qu’un individu d’une espèce a réagit que tous les individus de son espèce réagissent… Pour le moment les animaux déclarés comme ayant réussit le test sont: certaines espèces de singes (bonobos, chimpanzés, orang-outans), certains oiseaux (pies, corbeaux et perroquets) ainsi que que les éléphants et les dauphins.
Photo d’un chat se regardant dans l’eau, prise par TheBrockenInaGlory
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Chez les chiens, les chats et les bébés humains, le résultat est aléatoire. Certains se reconnaissent, d’autre identifient clairement la tâche mais certains ne réagissent pas du tout donc il est difficile de se baser sur ce test pour ces animaux. Les porcs se reconnaissent dans le miroir mais ne réagissent pas à la tâche (certains chercheurs affirment que c’est parce qu’ils n’accordent pas d’importance au fait d’être tachés). Leur réussite au test est donc controversée. Enfin Koko est la seule gorille a s’être reconnue dans le miroir, les autres individus fuyant généralement le regard de leur congénères, les scientifiques pensent que c’est ce qui les empêche de réussir le test. Le test du miroir est donc indicateur de conscience de soi chez les espèces réussissant ce test mais ne permet pas de déterminer si une espèce échouant au test a ou n’a pas conscience de soi.
Vidéo d’un chaton effrayé par son reflet
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