Table des matières
- L’extraordinaire histoire de Laïka…
- Le premier être vivant envoyé dans l’espace est une chienne
- Les soviétiques sont peu bavards sur « la chienne cosmique »
- Son nom reste une énigme pendant quelques jours
- Le monde s’émeut du sort de la « première voyageuse spatiale »
- L’anxiété demeure en dépit de bulletins de santé satisfaisants
- De nombreuses interrogations concernant Laïka
- Incertitudes sur la vie de Laïka durant quelques jours
- Un faire-part pour la petite martyre
- Un voyage prévu sans retour
- Trois dangers menacent » Frisette «
- Comment s’effectue aura le retour de » Frisette «
- » Frisette » à jamais…
- Un savant soviétique : » Nous ne pouvons actuellement faire revenir sur terre le container d’un Spoutnik
- Les Anglais ne veulent pas en démordre : » Frisette » a été ramenée vivante sur terre
- Moscou : » Il n’a jamais été question de ramener vivante la chienne de l’espace «
- Des tardigrades sont-ils en train de coloniser la Lune ?
- Albert 1er, un singe en apesanteur
- Laïka et ses neuf tours de la Terre
- Retour sur Terre… vivants
- Félicette, première Française dans l’espace
- Les effets des séjours spatiaux… sur la fécondité
- Morte en quelques heures
- 3 novembre 1957, Laïka devient la première chienne de l’espace
- Le 3 novembre 1957, la chienne Laïka était envoyée dans l’espace
L’extraordinaire histoire de Laïka…
La chienne Laïka a été envoyée par l’URSS à bord de l’engin spatial Spoutnik 2, un mois à peine après le lancement du premier satellite artificiel Spoutnik 1. Le succès de Spoutnik 1 ayant été considérable, les soviétiques désiraient franchir un nouveau pas : envoyer un être vivant dans l’Espace ! Nikita Khrouchtchev imposa rapidement le lancement d’un second engin et il désirait vivement que le 7 novembre puisse être une date possible afin de commémorer ainsi le 40e anniversaire de la révolution bolchevique. Sergei Korolev, chef du programme spatial, lui signala alors qu’il était impossible d’être prêt avant le mois de décembre. Mais, Khrouchtchev, qui voulait impressionner les Américains, insista et sur ses ordres, dans l’urgence et sans véritable test de fiabilité, la construction de Spoutnik 2 fut effective en quatre semaines seulement. Une précipitation qui allait s’avérer fatale pour Laïka puisque dés le départ du projet il était convenu qu’ils ne pourraient pas la récupérer.
À l’époque, un autre satellite appelé Spoutnik 3, bien plus sophistiqué que Spoutnik 1, était déjà à l’étude, mais il était impossible qu’il puisse être prêt avant décembre.
Spoutnik 2
Laïka était une petite chienne bâtarde d’environ trois ans et pesant environ 6 kg trouvée dans les rues de Moscou. Le personnel qui s’occupait d’elle lui avait donné plusieurs noms et surnoms, parmi lesquels » Koudryavka » (qui signifie : petite boucle ou peu bouclé « ), » Zhoutchka » ou » Limontchik « . Mais comme » Koudryavka » était trop difficile à prononcer pour des non soviétiques, le choix s’est porté sur le nom Laïka. Ce mot russe signifie » aboyeur » et il est également un nom désignant des chiens bâtards ressemblant à un husky. Cet animal était extrêmement calme et d’une très grande docilité, c’est d’ailleurs pour ces raisons qu’elle avait été repérée. Son véritable pédigree est bien évidemment inconnu, mais il est quasi certain qu’il s’agisse d’un croisement entre un husky (ou autre race nordique) et un terrier. La presse américaine l’avait surnommée Muttnik ( » mutt » signifie » chien bâtard » + le suffixe -nik), calembour de Spoutnik ! ou l’appelait » Curly » pour bouclé. Cette chienne errante ne fut pas sélectionnée seule mais avec deux autres chiennes, Albina et Mouchka (Albina vola deux fois sur un missile lors de tests en haute-altitude, et Mouchka fut utilisée pour tester l’instrumentation et l’équipement autonome de survie). Les trois participaient à des tests en vue des vols spatiaux de Spoutnik 2.
Pourquoi le choix s’est-il porté uniquement sur des chiennes ?
Tout simplement pour une raison pratique : une chienne n’a pas besoin de lever la patte pour uriner et de ce fait, elle nécessite moins de place qu’un mâle dans une cabine !
La chienne Laïka
Spoutnik 2 ressemblait beaucoup à Spoutnik 1 avec une capsule sphérique et des différents compartiments destinés aux appareils électriques, mais il était doté en plus d’une cabine pressurisée spécialement conçue pour accueillir la chienne. Cette capsule était dotée d’un équipement autonome, produisant du dioxygène et fournissant de la nourriture à l’animal. De nombreux appareils et capteurs y étaient installés afin de pouvoir mesurer la température et la pression de l’habitacle mais également pour contrôler la pression sanguine et le rythme cardiaque de l’animal pendant le vol.
Spoutnik 2 avait la forme d’un cône de 4 mètres de hauteur avec une base de 2 mètres de diamètre et pesait 508 kg. Il fut lancé également du Cosmodrome de Baïkonour par un lanceur R-7 BK71PS » Zemiorka « .
Le scientifique russe Oleg Gazenko sélectionnait et entraînait les chiens. La capsule pressurisée de Spoutnik ne mesurait que 80 centimètres de long, aussi pour les habituer petit à petit au confinement d’une telle cabine exiguë, les chiens étaient maintenus dans des cages de plus en plus petites. De telles périodes pouvaient durer plus de vingt jours. Les chiens étaient placés dans une centrifugeuse pour simuler l’accélération au lancement de la fusée, ainsi que dans des machines bruyantes imitant les bruits à bord d’un vaisseau spatial et ils devaient résister à de nombreuses vibrations. Il fallut également les habituer à consommer un gel nutritif, seule nourriture dans l’Espace, une gélatine issue du collagène de tissus animaux mélangée à une base de viande, de pain en poudre et de graisse.
Il leur fallut apprendre également à supporter une combinaison de » cosmonaute » tout spécialement créée pour la gente canine. Cette combinaison, laissant passer la tête, les pattes et la queue, était reliée à des courroies fixées aux parois capitonnées de Spoutnik. La chienne ne pouvait guère se lever ou se coucher. A l’arrière de sa combinaison, il y avait un réservoir de caoutchouc qui recueillait l’urine et les excréments.
Laïka dans l’habitacle de la capsule de Spoutnik 2
Laïka fut installée dans la capsule de Spoutnik 2 le 31 octobre 1957, mais le lancement n’eut lieu que le 3 novembre 1957. Elle fut lavée soigneusement et désinfectée aux endroits où se trouvaient installées les électrodes. Laïka était sous haute surveillance ! De nombreux fils émanant de son costume devaient informer les scientifiques de son rythme cardiaque, de sa fréquence respiratoire, de ses activités motrices et de sa pression artérielle. Une caméra et un émetteur radio permettaient, au travers d’un hublot de verre, d’observer ses faits et gestes. Évidemment, d’autres instruments de mesure calculaient la température de la cabine ainsi que la pression atmosphérique. Des spectromètres évaluaient l’émission de rayons X et d’ultraviolets émis par le Soleil.
Lors de la montée de la fusée, alors que la vitesse atteignait près de 28,800 km/heure, le rythme cardiaque de Laïka subit une très forte augmentation : avant le décollage, il était de 103 pulsations par minute et après, il passa à 240 par minute ! Selon un rapport d’Alexandre Tochlev, secrétaire de l’Académie soviétique des sciences, lors du décollage où le bruit fut assourdissant et la vibration extrême, Laïka commença à haleter furieusement. Désemparée et stressée, elle gigota énormément, tandis que le rythme de son cœur augmentait considérablement. Lors de la période d’accélération, elle se retrouva plaquée au sol de sa cabine.
Une fois en apesanteur, il lui a fallu trois heures pour retrouver son rythme normal, soit trois fois plus que lors des essais au sol ! On imagine aisément le stress énorme et la panique qui furent alors les siens en se retrouvant ainsi seule dans une telle situation.
Tout de suite après sa mise en orbite, le satellite ne se sépara pas des réacteurs comme il était prévu, ce qui entraîna de graves problèmes de régulation thermique. Au bout de quatre à cinq heures de vol, ils constatèrent une dramatique hausse de la température à l’intérieur de l’habitacle (41°C). Comble de malheur, et surtout à cause d’un manque de planification, la capsule ne possédait aucune protection contre les radiations solaires, ce qui augmenta encore plus la chaleur.
Laïka n’a plus donné aucun signe de vie à compter de la cinquième heure et on n’enregistra plus aucune donnée. Elle est morte bien avant que ses réserves en oxygène aient été épuisées. Tout laisse à penser qu’elle mourut après être tombée dans le coma, non sans avoir atrocement souffert de la chaleur et de déshydratation. Cette augmentation de température est donc responsable de son décès ainsi qu’un trop grand stress.
Pourtant, la version officielle longtemps donnée par le Kremlin fut que la chienne était morte par un poison mélangé à sa nourriture afin de ne pas la faire souffrir lors du retour dans l’atmosphère. Mais cette excuse restait politiquement correcte car on préféra alors ménager l’opinion publique qui s’indignait ! En effet, lorsqu’il fut annoncé après le lancement de Spoutnik 2 dans les médias de l’époque que la chienne n’avait de l’oxygène et de la nourriture que pour dix jours et que l’on n’envisageait aucun retour, le public fut outré. Ce fut le début d’une prise de conscience et de manifestations pour le respect des animaux dans les expériences scientifiques.
Ce n’est qu’en 1998 que le responsable de la mission, Oleg Gazenko, émit des regrets concernant la mort de la chienne jugée inutile au regard des enseignements tirés. Et en 2002, lors du » World Space Congress » qui se déroulait à Houston, la vérité éclata lorsque le docteur Dimitri Malashenkov (de l’institut russe des problèmes biomédicaux) révéla les réelles causes de la mort de Laïka.
Spoutnik 2 se désintégra cinq mois plus tard, le 14 avril 1958, dans l’atmosphère après 2570 révolutions autour de la Terre. Les altitudes initiales du périgée et de l’apogée de l’orbite étaient de 200 et de 1600 kilomètres environ. Comme le satellite effectuait une révolution en 104 minutes, la dépouille de Laïka aura parcouru une distance d’environ 100 millions de kilomètres avant de se consumer dans l’atmosphère, 163 jours après son lancement.
Spoutnik 2 est retombé dans l’atmosphère terrestre le 14 avril 1958 au-dessus des Antilles. Ces photos prises par un astronome amateur, exceptionnelles pour ne pas dire uniques, représenteraient les 15 ultimes secondes de l’existence du satellite et de sa passagère, morte depuis 5 mois.
Les ellipses bien visibles sur le document de droite montrent les rotations que le satellite effectuait sur lui-même pendant sa descente.
Toutefois, en étudiant ainsi les effets d’un vol orbital sur un organisme vivant, cette expérience apporta aux soviétiques les renseignements nécessaires pour envisager des vols pilotés par des humains.
L’URSS lança en tout dix satellites Spoutnik.
Le dernier Spoutnik 10 fut lancé le 25 mars 1961 depuis Baïkonour, ce fut le cinquième et dernier vol test pour le programme » Vostok » (vols habités). Cet engin transportait un mannequin nommé Yvan et la chienne » Zvezdochka » (signifiant petite étoile). Le retour, après 17 révolutions orbitales, fut un succès.
Des 13 chiens utilisés dans les vols spatiaux soviétiques entre 1957 et 1966, seule Laïka aura été envoyée sciemment dans l’Espace sans aucun espoir de retour à cause des délais trop courts imposés par Khrouchtchev pour effectuer la mise au point et la construction de Spoutnik 2.
Autres chiennes cosmonautes …
Belka et Strelka
Les deux chiennes » Belka » (écureuil) et » Strelka » (petite flèche) furent envoyées ensemble une journée dans l’Espace à bord de Spoutnik 5, le 19 août 1960. Il y avait également à bord un lapin, quarante souris, deux rats, des mouches et même plusieurs plantes et champignons. Tout ce petit monde est revenu sain et sauf sur Terre après 18 orbites de 107 minutes. C’était le premier vol spatial qui ramenait ses occupants vivants.
Quelques mois après son voyage dans l’Espace, la chienne Strelka donna naissance à six chiots. L’un d’eux fut nommé » Pushinka « (signifiant » quelque chose de duveteux « ) et choisi pour être offert par Khrouchtchev à Caroline, la fille du président John Kennedy. Mais, il fallut d’abord que le FBI vérifie scrupuleusement, après une enquête et une fouille minutieuse, si des micros n’avaient pas été cachés à l’intérieur du chiot ! De plus, ils durent contrôler par des tests médicaux que l’animal n’était pas porteur de germes destructeurs !! On craignait que le chien ne soit un espion !
Verebok et Ugolyok
» Verebok » (Petite brise) et » Ugolyok » (Petit morceau de charbon) ont été envoyés le 22 février 1966 à bord de Cosmos 110. Ils ont passé 22 jours en orbite avant d’atterrir le 16 mars. Ce record de durée de vol a été égalé par l’équipage de Soyouz 11 en juin 1971 mais malheureusement ce dernier périt à l’atterrissage. Il a été dépassé ensuite par les astronautes de Skylab 2 en juin 1973 : 28 jours. Il demeure toujours à ce jour la durée la plus longue d’un vol canin dans l’Espace. De retour sur Terre, le premier animal perdit tous ses poils rapidement et mourut peu après. Un trop grand stress en était-il la cause ? Le second, en revanche, est revenu en pleine forme, déployant une énergie sexuelle bien au-dessus de la normale selon les scientifiques. Il a fini au musée de l’IBMP (Institut des problèmes biomédicaux) à Moscou, en remerciement de sa contribution !)
Sacrifiée pour la science. Le 4 novembre 1957 Le Figaro annonce en Une le lancement effectué la veille par l’U.R.S.S. d’un nouveau satellite avec à son bord une chienne. Un mois après avoir réussi à lancer le premier satellite artificiel en orbite autour de la Terre -Spoutnik- les Soviétiques envoient dans l’espace pour la première fois un être vivant. En pleine guerre froide, dans un contexte de concurrence exacerbée entre l’U.R.S.S. et les États-Unis, la conquête spatiale devient un enjeu de pouvoir entre les deux puissances mondiales. C’est une seconde prouesse soviétique. Nikita Khrouchtchev, premier secrétaire du Parti communiste de l’Union soviétique, souhaitant impressionner les Américains après le premier succès de Spoutnik, avait exigé mi-octobre 1957 du chef du programme spatial soviétique la mise au point d’un second satellite capable d’envoyer en orbite autour de la terre un être vivant, pour le 7 novembre 1957 -à l’occasion du 40e anniversaire de la Révolution bolchévique. Le lancement est finalement avancé de quatre jours. Le monde entier s’intéresse au sort de cette petite chienne envoyée dans l’espace et Le Figaro couvre, lui aussi, abondement cette actualité.
Le premier être vivant envoyé dans l’espace est une chienne
Laïka était une chienne errante au pelage noir et blanc, croisement entre un husky et un terrier. Rue des Archives/ITAR-TASS/Rue des Archives
Ainsi le journal reprenant un communiqué de l’agence soviétique Tass indique que le satellite accomplit la révolution totale autour du globe terrestre en une heure quarante-trois minutes et quarante-deux secondes. Et qu’il « comporte en outre un container hermétique dans lequel se trouve un chien, avec un appareil de conditionnement d’air, des réserves de nourriture et des instruments pour l’étude du comportement de l’animal dans les espaces interplanétaires ». Le Figaro précise que le poids global de cet appareillage et du chien est de 508,3 kilos. Et citant de nouveau l’agence Tass: « L’animal qui se trouve à bord du “grand spoutnik” s’est comporté jusqu’à présent, avec calme et son état général est satisfaisant. » Nous savons depuis qu’au moment du décollage, il était affolé et que son cœur s’est mis à battre très vite et qu’il a fallu trois heures pour que les battements reviennent à un rythme normal.
Les soviétiques sont peu bavards sur « la chienne cosmique »
Au lendemain du lancement de Spoutnik II les Russes restent très discrets sur « la chienne spatiale ». Peu d’informations sont disponibles. Aussi le conditionnel est de rigueur dans le quotidien qui évoque qu’il s’agirait d’une chienne de race esquimau. Le journaliste du Figaro Nicolas Châtelain -présent à Moscou- lui croit savoir qu’il s’agirait « d’un chien genre Loulou de Poméranie ». Même son nom diffère selon les agences de presse: Laïka (l’aboyeur) pour Reuters, Koudryavka (frisée) pour l’Associated Press, et Damka (Petite Dame) pour United Press. Quant à l’A.F.P précise Le Figaro « Elle déclare-et on se gardera, en la circonstance, de lui en tenir rigueur- être sans opinion ». Et poursuit: « Mais on veut croire que Moscou nous délivrera rapidement de ce doute qui pour certains pourrait être obsédant… »
Le chien a effectué des vols en fusées et a subi en outre un entrainement spécial dans des conditions voisines de celles où il se trouve actuellement.
Le général académicien Blagonravov.
Ainsi la presse internationale a des difficultés à obtenir des renseignements sur la chienne. Néanmoins le général académicien Blagonravov apporte quelques éléments en déclarant à la radio de Moscou le 3 novembre que le premier « voyageur cosmique » reçoit une nourriture artificielle et porte sur lui des instruments qui enregistrent sa respiration, le fonctionnement du cœur, la tension artérielle. Et que « Les données que nous auront ainsi obtenues seront d’un grand prix pour les physiologues et nous rapprocheront de la réalisation de voyages interplatétaires. » Il précise également « que le chien a effectué des vols en fusées et a subi en outre un entrainement spécial dans des conditions voisines de celles oû il se trouve actuellement. » En fait la chienne était mise dans des cages de plus en plus petites, pour l’habituer au confinement et dans une centrigeuse pour la préparer au décollage.
Son nom reste une énigme pendant quelques jours
Un monument à la mémoire de la chienne Laïka est érigé à Moscou. Rue des Archives/ITAR-TASS/Rue des Archives
Dans son édition du 5 novembre Le Figaro signale que selon l’agence Tass l’animal s’appelle Laïka mais précise: « Nous nous en tiendrions donc désormais à Laïka si des correspondant d’origine russe n’affirmaient à notre intention qu’il ne peut s’agir du nom auquel répond la chienne, mais de sa race (esquimau, parait-il). » Le journal poursuit: « La prudence commande donc de s’en tenir pour la nommer « à la chienne de l’espace » en attendant que son “appellation contrôlée” puisse passer à la postérité… ». Le nom de Laïka sera confirmée quelques jours plus tard. Et les informations données ultérieurement nous apprendrons que cette chienne -au pelage court blanc et noir- était un animal errant âgé de trois ans environ et pesait six kilos. Bâtarde, elle était très certainement issue d’un croisement entre un husky et un terrier. Vêtue d’une combinaison et bardée de nombreux capteurs, elle était installée dans une capsule et nourrie par un gel fait de collagène, de pain et de viande.
Le monde s’émeut du sort de la « première voyageuse spatiale »
À l’époque le monde entier est sidéré par l’annonce de l’envoi de la chienne russe dans l’espace, et s’intéresse beaucoup à l’animal. Partout les associations de protection des animaux sont choquées. Ainsi Le Figaro révèle dans son édition du 4 novembre que le directeur du Japon de la Société protectrice des animaux, M. Hirokishi Saito, a déclaré que « le mépris de sang froid manifesté par l’U.R.S.S. pour le sort du pauvre animal enfermé à l’intérieur du nouveau satellite devait faire horreur ». Et conclut que « Cette affaire sera certainement évoquée devant le Congrès international pour la protection des animaux qui s’ouvrira au mois de mai 1958 à La Haye. » D’autre part, poursuit le quotidien, « les associations britanniques pour la protection des animaux vont adresser à Moscou des protestations contre le fait qu’un chien vivant a été placé à l’intérieur du nouveau Spoutnik ». Enfin dans l’édition du Figaro du 5 novembre, il est mentionné que la S.P.A a adressé une note de protestation à l’ambassade soviétique et que l’association a reçu d’innombrables lettres au sujet de la chienne.
L’anxiété demeure en dépit de bulletins de santé satisfaisants
Réplique du Spoutnik II, satellite artificiel conçu par les Soviétiques dans lequel pris place la chienne Laïka en novembre 1957, ici exposé à Paris en 1960. Gerald Bloncourt/mention obligatoire©Gerald Blonc
Selon les informations en provenance de Moscou Laïka est en bonne santé et « la chienne se trouve dans un état permanent de non-pesanteur et subit un intense rayonnement cosmique ». Les bulletins de santé sont régulièrement donnés et à chaque fois selon les sources officielles, l’animal va bien. Mais aux quatre coins de la planète l’inquiétude persiste. Aussi devant l’émotion suscitée dans certains pays- comme la Grande-Bretagne, peut-on lire dans Le Figaro du 6 novembre, que le commentateur scientifique de la radio de Moscou, M. Boris Belitsky, a indiqué « que la chienne devait être considérée comme sacrifiée pour la science ». Il précise également: « Nous comprenons et apprécions ces sentiments, mais le problème devrait être examiné d’une façon réaliste. Il est évident qu’avant de permettre à un être humain de s’aventurer dans l’espace, nous devons connaître tous les risques possibles. » Et insiste également sur le fait « que les conditions dans lesquelles vivait “Laïka” étaient aussi confortables que possible. » Mais ses dires précédents laissent à penser que la chienne est promise à un voyage sans retour. Toutefois dans Le Figaro du 7 novembre il est notifié que le directeur du planétarium de Moscou, souligne que « la chienne atterrirait environ une semaine après le lancement de Spoutnik II ». Et dans l’édition du lendemain on apprend que selon l’ambassadeur soviétique à Bonn huit jours de nourriture sont prévus pour l’animal et qu’il est certain « que la chienne sera ramenée sur terre avant que ces huit jours ne soient écoulés. » Toutes ces déclarations soviétiques démontrent que la question d’un éventuel retour de l’animal sur la terre n’est pas clairement établie, ni prévue.
De nombreuses interrogations concernant Laïka
En effet des questions demeurent sans réponse. Ainsi l’envoyé spécial permanent à Moscou du Figaro, Nicolas Chatelain annonce que « l’on ignore quelles sont les réserves alimentaires contenues dans le “spoutnik-ogive” (aliments liquides qui sont probablement instillés au chien par voie intraveineuse); on ne sait pas non plus quelle est la durée de fonctionnement du système de renouvellement d’air dans la cabine. » Quant au retour sur terre de Laïka, le journaliste écrit que le largage du container devra se faire à un moment où Spoutnik II « atteindra un point de son orbite qui sera relativement proche de la surface de la terrestre, entre 300 à 500 kilomètres ». C’est du moins les estimations faites au planétarium de Moscou. Il signale aussi que peut-être l’appareil pourrait être récupéré tout entier. Et selon un savant soviétique le chien reviendra sur la terre, sans heurt, par parachute; un système de frein empêchera le container de devenir un satellite miniature. Mais des doutes émergent quant à la faisabilité réelle d’un retour sur terre de Laïka.
Incertitudes sur la vie de Laïka durant quelques jours
Essai avant le lancement dans l’espace du satellite soviétique Spoutnik II avec un chien qui n’est pas Laïka dans la cabine. Rue des Archives/©Rue des Archives/BCA
Le Figaro du 8 novembre indique que « les émissions de Grand Spoutnik ont été captées un peu partout et certains ont cru entendre la respiration de Laïka ». Mais dans la parution du 11 novembre le journal informe que « le grand Spoutnik a cessé ses émissions prévues pour une durée de sept jours » et que l’évolution du satellite ne pourra plus être suivie que par les observations optiques. Mais il précise qu’aucun détail n’est donné dans le communiqué officiel sur le sort de la chienne. L’inquiétude est grande. Le lendemain reprenant l’article du correspondant à Moscou du journal communiste italien l’Unita, Le Figaro publie: « La petite chienne, qui était la première créature vivante à voler dans l’espace interplanétaire, a été empoisonnée avec la dernière bouchée de sa nourriture pour ne pas avoir à souffrir une lente agonie ». L’euthanasie sera en effet reconnue officiellement, pendant de longues décennies, comme la cause du décès de l’animal .
Un faire-part pour la petite martyre
C’est en Une du journal daté du 13 novembre qu’est annoncée officiellement la mort de Laïka avec en page intérieure une brève titrée Faire-part: « Le professeur Porzevki a annoncé à l’assistance du planétarium de Moscou que la chienne “Laïka” était morte. » En précisant que le décès a eu lieu avant la fin des émissions du satellite, ce qui contredit à l’époque la déclaration d’un officiel annonçant trois jours plus tôt à l’ambassade de Suède que l’animal était toujours en vie. Mais l’on sait depuis 2002 que contrairement à la version officielle de l’époque, la chienne est morte en réalité entre cinq et sept heures après le décollage. Les raisons: le stress, une température de plus de 40 degrés dans sa cabine et l’absence de protection contre les radiations thermiques du soleil.
Un voyage prévu sans retour
En raison du temps imparti pour réaliser Spoutnik II il n’a pas été possible aux savants soviétiques d’envisager de faire revenir la chienne sur terre. Dès le début de la mission il est donc prévu que l’animal soit sacrifié. Mais ce n’est que le 13 novembre 1957 qu’est révélé le fait que les savants russes n’avaient pas pour but de ramener Laïka sur terre. À l’époque les Soviétiques ne s’attardent pas sur sa mort de la chienne mais insiste sur l’importance du lancement, présenté comme un succès. En 2008 un monument est érigé à Moscou en l’honneur de Laïka. C’est le 14 avril 1958 que le satellite -qui a fait 2.570 révolutions autour de la terre- se désintègre dans l’atmosphère.
Grâce au sacrifice de Laïka les Soviétiques obtiennent un certain nombre de renseignements qui permettent au cosmonaute Youri Gagarine de voyager à son tour dans l’espace le 12 avril 1961.
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CONTEXTE
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Un mois après avoir lancé, le 4 octobre, le premier satellite artificiel de la Terre, Spoutnik I, les Soviétiques récidivaient avec Spoutnik II. Plus lourd et plus complexe, ce satellite avait surtout pour particularité de transporter une » passagère » : une chienne enfermée dans la cabine pressurisée.
L’objectif des Russes était alors de confirmer, à l’approche du quarantième anniversaire de la révolution de 1917, la supériorité de la technologie de l’URSS sur celle des Américains, tout en profitant de l’expérience pour vérifier si un organisme vivant pouvait supporter les conditions spatiales.
Nasa
À 22 h 28, ce 3 novembre 1957, l’animal placé devant une caméra et revêtu d’une combinaison bardée de capteurs destinés à transmettre son rythme cardiaque, sa pression artérielle et sa fréquence respiratoire, quittait la Terre.
Que ce soit sous le nom de » Damka « , » Frisette « , » Lemonchik » ou finalement » Laïka « , (voir plus bas les explications dans la Croix du 6 novembre), le sort de la chienne russe embarquée à bord du Spoutnik devait tenir alors en haleine les médias, dont la Croix, qui en rendit compte pendant quinze jours.
Car si le retour sur Terre de l’animal était annoncé par les Soviétiques, la Croix, comme d’autres médias, doutait fort qu’il puisse revenir vivant.
Ainsi, dans son édition sur 6 novembre, alors que Radio-Moscou indiquait que » l’état de Frisette est satisfaisant « , la Croix s’inquiétait des risques de neurasthénie, des rayons cosmiques et de la rotation du Spoutnik sur lui-même pour l’animal.
Après plusieurs jours d’atermoiement – et quelques » Une » du journal consacrées à l’exploit spatial, on apprenait finalement dans la Croix du 15 novembre que » la chienne a été en bonne santé et très confortablement installé jusqu’à la fin « . Le lendemain, le quotidien relayait qu’elle aurait été empoisonnée de façon » à lui épargner les horribles souffrances d’une mort d’inanition « .
À en croire les Russes, Laïka aurait ainsi vécu dans l’espace une semaine. Ceux-ci arguaient par ailleurs qu’il » n’avait jamais été question de ramener vivante la chienne « . Révélation qui était venu rassurer les experts militaires de l’Otan, car elle prouvait que la science soviétique n’avait pas encore résolu le problème du retour à la terre d’une tête de fusée balistique. Ramener Laïka sur Terre, même morte, aurait alors constitué un exploit considérable.
On apprendra en 2002 que la mission soviétique fut un échec plus important encore. Lors d’un congrès aux États-Unis, l’un des responsables de la mission révélait que Laïka était en fait morte au bout de quelques heures de souffrances, déclenchées dès le décollage de sa fusée.
Monument dédié à Laïka, à Moscou. / CC Wikimedia commons
En effet, l’isolation thermique de son habitacle avait été partiellement arrachée lors de la séparation entre le lanceur et le satellite. Au bout de quatre heures, la température à bord avait atteint 41 degrés et continuait à grimper. Cinq heures après le départ, la chienne ne donnait plus aucun signe de vie.
La » tombe céleste » de Laïka tournera au-dessus de la Terre jusqu’au 14 août 1958, date à laquelle elle se consuma dans l’atmosphère. La chienne astronaute figure depuis 1964 sur le bas-relief du Monument des Conquérants de l’Espace de Moscou. Une statue a également été inaugurée à sa mémoire à Moscou en 2008.
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ARCHIVES
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Trois dangers menacent » Frisette «
(La Croix du 6 novembre 1957)
Que fait » Frisette « , première passagère d’un satellite artificiel ? Aboie-t-elle ? Mange-t-elle ? S’ennuie-t-elle dans sa niche-obus qui accomplit le tour de la Terre à la vitesse de 28 800 kilomètres-heure ? Tout va bien, affirme Radio-Moscou qui a diffusé ce bulletin de santé :
» L’état de Frisette est satisfaisant, diagnostic qui est confirmé par l’allure normale de son rythme cardiaque et respiratoire « . La chienne est en effet bardée d’appareils qui contrôlent son pouls et sa respiration et transmettent aussitôt sur terre selon un code connu les indications recueillies.
Au cours d’une causerie à la radio, le professeur russe Chevliakov a rappelé que les savants soviétiques avaient à plusieurs reprises lancé des fusées à 200 kilomètres d’altitude avec des chiens à bord. À chaque fois, les animaux se sont montrés particulièrement satisfaits. Toutefois, ces séjours dans la haute atmosphère était très courts. Ce n’est pas le cas pour » Frisette » qui en est actuellement à son troisième jour de voyage à 1 500 kilomètres de la terre.
Pour pouvoir résister aux variations de températures » Frisette « , qui est une chienne de faible taille (52 cm) et d’un poids modeste (25 kg), porte une combinaison chauffante comportant des poches spéciales qui se sont gonflées au moment du départ afin d’annihiler les effets désastreux de l’accélération.
Sur le museau de la chienne, on a fixé un masque à oxygène, en cas de rupture des appareils assurant le renouvellement de l’atmosphère dans la niche. À travers ce masque passent divers tubes qui déversent directement dans l’estomac de l’animal une nourriture liquide, particulièrement riche.
Il faut remarquer que, dans sa niche-obus, qui évolue à 1 500 kilomètres de la terre, » Frisette » vit dans un monde sans pesanteur. Aussi doit-elle aspirer sa nourriture. De longs mois de dressage, qui était basé sur le phénomène des réflexes conditionnés, ont été nécessaires pour que la chienne sache aspirer.
Incapable de remuer, car elle est arrimée au plancher de sa niche pour l’empêcher de flotter, vivant dans le noir absolu, » Frisette » doit terriblement s’ennuyer. Peut-être mourra-t-elle même au cours d’une tragique crise de neurasthénie ? Si elle est d’une humeur joyeuse, pourra-t-elle supporter sans dommages les effets désastreux des rayons cosmiques, ou ceux engendrés par la rotation du satellite sur lui-même ?
En effet, le satellite qui a la forme d’un obus allongé et non d’une sphère comme le premier Spoutnik va sans doute au cours des prochaines heures tourner autour de son axe. Au début, cette vitesse de rotation sera faible mais elle ira en s’accentuant. Comme on demandait au professeur Kiril Petrovitch Stanyoukovitch qui a participé au programme satellite II, si cette rotation pourrait gravement contrarier » Frisette « , il répondit :
» Non. Cette rotation notamment dans les premiers jours d’existence du satellite – pendant que le chien est encore vivant – n’aura aucun effet sur le fonctionnement de ses organes.
Ce qui voudrait dire clairement que le chien sera mort avant que la rotation de la fusée soit assez rapide pour provoquer des troubles chez lui.
Comment s’effectue aura le retour de » Frisette «
Ce n’est pas la vie d’un autre chercheur russe, le professeur A. Baskine, qui a déclaré un journal danois : » Le satellite reviendra sur terre bien avant que cette rotation ait lieu. La chienne a une réserve de nourriture prévue pour huit jours, mais elle sera probablement de retour avant ce délai.
Ce retour vers la terre aura lieu lors ce que l’engin se trouvera à une altitude de 300 à 400 kilomètres et se fera par catapultage en sens inverse de la marche du » satellite « . Le parachute soutenant la chienne s’ouvrira ensuite automatiquement lorsque le container se trouvera à environ 100 kilomètres d’altitude.
» Toutes les précautions ont été prises pour ramener la chienne en vie sur la terre « , a encore précisé le directeur du Planétarium, après avoir laissé entendre que l’atterrissage ce serait au-dessus du territoire soviétique.
Cependant, de diverses sources, on souligne la difficulté d’une telle entreprise. Il faudrait que sa niche, dont le détachement serait déclenchée par radio, puisse être » éjectée » avec assez de force pour retomber dans le champ de l’attraction terrestre, que la chute soit suffisamment ralentie au moment du » contact » avec l’atmosphère pour éviter que la chaleur ne la volatilise.
La chute pourrait être ensuite freinée par un parachute. L’opération sera suivie entièrement par radar, de façon à en surveiller les différentes phases et à repérer le point de chute. Aucune information ne permet de déterminer les procédés prévus par les savants soviétiques pour surmonter ces graves difficultés.
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» Frisette » à jamais…
Non, nous ne marchons plus !… Hier matin, sur la foi des premières dépêches, nous avons appelé le chien-satellite du doux nom de » Koudryavka « , c’est-à-dire – à peu près – en français, » Frisette « …
Quelques heures plus tard, il a fallu changer d’état civil : » Frisette » était devenu » Damka « , la » dame » du jeu de cartes. Va pour d » Damka » !… Notre deuxième édition a donc tenu compte de l’importante partie de poker qui se joue entre Terre et Lune…
L’édition à peine » tombée « , nouvelle appellation » contrôlée » : » Lemonchik » ( » Petit Citron « )… Las ! L’agrume céleste n’a pas eu le temps de mûrir… Voici maintenant » Laïka » ( » Petite aboyeuse « ). Il semble bien qu’il s’agisse du terme officiel (ou officiellement provisoire).
Tant pis ! Nous revenons à nos premières amours… » Frisette » elle est, » Frisette » elle restera. Même si c’est un chien…
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Un savant soviétique : » Nous ne pouvons actuellement faire revenir sur terre le container d’un Spoutnik
(La Croix du 14 novembre 1957)
Frisette, premier voyageur de l’espace, est morte. Depuis plusieurs jours les experts occidentaux en été persuadés, mais Moscou restait silencieux sur le sort de la petite chienne esquimaude enfermée dans sa niche métallique, le Spoutnik II, qui gravite autour de la Terre à 1 500 kilomètres d’altitude et à la vitesse de 28 800 kilomètres-heure. Or, voici que le professeur Porzeusky vient d’annoncer officiellement au Planétarium de Moscou :
» Frisette est morte depuis plusieurs jours. La mort a précédé l’arrêt des émissions des postes radio du grand Spoutnik « , c’est-à-dire qu’elle remonte au moins à vendredi. Et le professeur Porzeusky ce qui a poursuivi :
» Actuellement, les savants ne connaissent pas le moyen de faire revenir les containers d’un Spoutnik sur terre. On peut envisager plusieurs hypothèses pour assurer le retour des containers, soit à l’aide de parachutes spéciaux, soit au moyen de moteurs équipés de fusées freinant la chute, mais la solution n’a pas encore été trouvée définitivement. «
Cette dernière phrase à rassurer les experts militaires de l’Otan, car elle prouve que la science soviétique n’a pas encore mis au point le problème du retour à la terre d’une tête de fusée balistique, exploit qu’ont réalisé à plusieurs reprises les Américains.
Ainsi, bien que l’URSS ait accompli un » pas de géant » en découvrant les sources d’énergie nouvelle nécessaires à la propulsion, déclare-t-on dans les milieux de l’Otan, elle n’est peut-être pas pour l’instant en mesure d’exploiter complètement sur le plan militaire les progrès qu’elle a réalisés.
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Les Anglais ne veulent pas en démordre : » Frisette » a été ramenée vivante sur terre
(La Croix du 15 novembre 1957)
Radio-Moscou vient d’annoncer la mort officielle de » Frisette » en ces termes : » La chienne a été en bonne santé et très confortablement installée jusqu’à la fin « , propos qui laissent entendre que l’animal est mort.
Toutefois, les Anglais ne croient pas les Russes. Une grande majorité d’entre eux pensent que » Frisette » a été ramené vivante sur Terre. Cette opinion est partagée par le président Andrew G. Haley qui a déclaré : » Frisette a probablement été ramenée vivante sur terre, mais les Russes n’en parlent pas en raison de la portée militaire de l’événement. J’étaye ce point de vue sur la différence des émissions radios des deux satellites.
Alors que le Spoutnik a émis jusqu’à l’épuisement de ses batteries, les émissions du Spoutnik II ont cessé plus rapidement et brusquement, comme si les contacts avaient été brisés ou le matériel endommagé par l’éjection du chien «
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Moscou : » Il n’a jamais été question de ramener vivante la chienne de l’espace «
(La Croix du 16 novembre 1957)
Il est fort possible que les Russes donnent incessamment de nouveaux détails sur Frisette, la chienne de l’espace. En attendant, un savant soviétique, J. W. Kryslov, a précisé au cours d’une interview qu’il n’avait jamais été projeté de ramener la chienne sur terre vivante. Il a déclaré que Frisette se trouvait enfermée dans une cabine à air conditionné.
» Dans cette cabine, a-t-il poursuivi, se trouvait également une provision de vivres pour sept jours et sept nuits, que la chienne consommait, suivant un certain signal, à l’aide de deux tétines (l’une pour le lait, l’autre pour une sorte de pâtée). Quand la provision de vivres fut épuisée, on donna à Frisette une dose de poison, de façon à lui épargner les horribles souffrances d’une mort d’inanition « .
J.W. Kryslov a affirmé que le grand Spoutnik ne disposait pas de l’équipement nécessaire pour ramener Frisette sur terre, mais qu’il en sera différemment pour les prochains satellites.
Il a déclaré que le nom de la chienne sera gravé sur un monument élevé, prêt de Leningrad, en souvenir des chiens sauveteurs morts pendant la dernière guerre.
Son nom sera suivie de l’inscription suivante : » La première créature qui pénétra dans le cosmos. «
Retrouvez les précédents articles parus dans la rubrique » Ce jour-là «
Avant Iouri Gagarine, premier humain dans l’espace en 1960, de nombreux animaux ont été envoyés hors de notre atmosphère en guise de cobayes. Focus sur ces animaux téméraires premiers conquérants de l’espace.
Les animaux n’ont évidemment pas eu le choix d’aller ou non dans l’espace et il est important de leur rendre hommage car sans eux, l’Homme n’y serait surement jamais allé ! Tout a commencé en 1948 avec une fusée américaine ayant atteint les 63 kilomètres d’altitude avec à son bord le macaque Albert 1er, premier mammifère expérimentant l’apesanteur en condition réelles. Un an plus tôt, des drosophiles avaient atteint les 100km d’altitude à bord d’une autre fusée.
En 1957, le premier chien a été envoyé dans l’espace, à bord de la capsule soviétique Spoutnik-2. Nommée Laïka, la chienne a été enveloppée dans une combinaison comportant de nombreux capteurs. En 1960, les Soviétiques expédient dans l’espace deux chiens, un lapin deux rats, 40 souris ainsi que des mouches ! Cet équipage fera plusieurs révolutions autour de la Terre.
Les États-Unis s’y mettent en 1961 en envoyant Ham, un chimpanzé reprenant la trajectoire effectuée par le premier américain dans l’espace, Alan Shepard, à peine un mois après l’historique exploit de Iouri Gagarine. En 1962, c’est le tour d’un autre chimpanzé baptisé Enos dans le but de tester la capsule dans laquelle prendra place John Glenn pour le premier vol orbital américain. Ainsi, Enos devient le premier animal placé en orbite.
En 1963, la France est le premier pays à envoyer un chat dans l’espace : Félicette après avoir expédié en rat en 1962. Bien plus tard en 2001, la Chine a également lancé un vaisseau spatial avec à son bord plusieurs animaux. En 2010 est venu le tour de l’Iran avec l’envoi d’une fusée avec à son bord un rat, des tortues et des vers puis en 2013, une autre mission embarquait deux singes.
Les animaux envoyés dans l’espace ont permis de faire quelques découvertes scientifiques comme en 2007, lorsque des tardigrades (ourson d’eau), ont survécu aux radiations cosmiques et au vide et ne présentaient à leur retour aucune altération biologique. En 2014, des chercheurs japonais parviennent à effectuer des fécondations in vitro à l’aide de sperme de souris stocké durant 9 mois dans l’ISS ! Plus de 70 souriceaux sont nés de ces manipulations. Ces expériences pourraient aider, selon les scientifiques, à l’établissement de futures colonies dans l’espace.
Des tardigrades sont-ils en train de coloniser la Lune ?
Les tardigrades sont-ils en passe de devenir les premiers habitants de la lune ? Ces animaux microscopiques, considérés comme quasi indestructibles, pourraient avoir survécu au crash d’une sonde lunaire.
Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de ces animaux au corps dodu ? Pas plus gros qu’un demi millimètre, ces « oursons d’eau » découverts dès le XVIIIe siècle fascinent les scientifiques pour leur capacité d’adaptation exceptionnelle : ils ne craignent ni les températures extrêmes, ni les radiations, survivent aussi bien au manque d’oxygène qu’à la congélation, comme aux fortes pressions.
Mais résisteront-ils aussi dans l’Espace ? Pour répondre à cette question, des scientifiques ont décidé d’inclure ces petits êtres vivants dans une vaste base de données destinée à être envoyée sur la Lune.
DES ÉCHANTILLONS D’ADN, UNE BIBLE ET DES TOURS DE MAGIE
Pas plus imposante qu’un DVD, cette « sauvegarde de l’Humanité » recèle plus de 200 GB de données sous forme de fins disques de nickel, conçus pour durer des millions d’années. A l’intérieur sont contenus plus de 30 millions de pages d’informations, dont une partie de la version anglaise de Wikipédia, des classiques de la littérature, des images historiques, des dessins d’enfants, des témoignages de survivants de la Shoah, une Bible. On y retrouve également l’anthologie des tours de magie de David Copperfield comme des échantillons d’ADN… et donc, des milliers de tardigrades.
Cette archive lunaire, développée par l’ONG américaine Arch Mission Foundation, vise à « préserver, connecter et partager les connaissances de l’humanité pour l’éternité » en disséminant une multitude de micro-bibliothèques d’archives et d’ADN, dont celles des tardigrades, à travers le système solaire. Or, son acheminement sur la sonde israélienne Beresheet ne s’est pas passé comme prévu.
22 kilometers from the Moon! #IsraelToTheMoon #SpaceIL #Beresheet pic.twitter.com/uw1wAFmt0S
— Israel To The Moon (@TeamSpaceIL) April 11, 2019
Le 11 avril dernier, alors que le vaisseau paradait sur Twitter avec un selfie spectaculaire, quelques instants avant son atterrissage, les moteurs destinés à ralentir la vitesse de l’appareil ont finit par lâcher, le laissant s’écraser sur le satellite de la Terre, brisant dans le même temps les espoirs de conquête spatiale d’Israël.
Rescapés de l’espace
Comme le relate un article de Wired, les scientifiques de la mission ont immédiatement tenté de savoir si la bibliothèque lunaire, en particulier les tardigrades, avaient résisté à l’impact du crash.
En analysant la trajectoire de l’appareil spatial et la composition de la bibliothèque lunaire, Novak Spivack, le fondateur de l’Arch Mission se dit confiant : au moins 60 000 pages de la bibliothèque sont parvenues intactes sur la Lune. Dans le meilleur des scénarios, les fameux animaux et l’intégralité des données seraient également indemnes.
Tardigrades can enter a state of deep suspended animation. They are not able to move around or reproduce on the Moon. They are frozen in time. They would have to be recovered and taken to a place with a suitable atmosphere, and then rehydrated, to *potentially* be reanimated.
— Arch Mission Foundation (@archmission) August 6, 2019
Les tardigrades ne sont pas pour autant prêts à développer leur colonie à la surface de la Lune, puisque, comme l’explique Novak Spinak sur le compte twitter de la mission, ils ont été envoyés déshydratés.
Ces êtres vivants sont en effet connus pour être capable de survivre jusqu’à dix ans sans eau. Leur métabolisme est alors plongé dans un état dormant, et l’eau des cellules remplacée par une protéine qui solidifie tout leurs corps, comme figé dans le temps. Pour « revenir à la vie », ils auront besoin d’être ramenés sur Terre, du moins dans un lieu sous atmosphère, afin de les réhydrater. Reste à savoir qui les trouvera en premier.
Il y a 60 ans, le 3 novembre 1957, un mois à peine après la mise en orbite du premier Spoutnik soviétique, la chienne Laïka est envoyée dans l’espace. Elle devient alors le premier être vivant à atteindre l’orbite terrestre. Mais avant et après elle, les animaux ont été nombreux à aider l’humain dans sa conquête de l’espace. Passage en revue.
Albert 1er, un singe en apesanteur
En 1948, le macaque rhésus Albert 1er est le premier mammifère à découvrir l’apesanteur dans une fusée américaine. Son voyage l’envoie à 63 km d’altitude. Un an auparavant, les États-Unis avaient déjà envoyé des drosophiles (mouches des fruits) à 100 km d’altitude, dans une fusée V2.
Laïka et ses neuf tours de la Terre
Le 3 novembre 1957, Laïka, revêtue d’une combinaison bardée de capteurs, quitte la Terre à bord de la capsule soviétique Spoutnik-2. C’est un voyage sans retour, faute de moyens à l’époque pour faire revenir intact le satellite. Cette expérience est le fruit de plusieurs années de recherche. Les scientifiques russes avaient en effet testé auparavant de nombreux chiens, en les sélectionnant sur deux critères : uniquement des femmes car elles prennent moins de place pour uriner et des bâtards réputés plus débrouillards et moins exigeants. Ils avaient été envoyés à des altitudes suborbitales pour voir s’il était possible de survivre à l’absence d’apesanteur.
Selon les informations officielles, Laïka a bien supporté sa mission à 1.600 km d’altitude, pendant une dizaine de jours. Mais en réalité, elle est morte au bout de quelques heures et après avoir fait neuf fois le tour de la Terre à cause d’un dysfonctionnement du système de régulation thermique. La température était montée jusqu’à 40 degrés dans Spoutnik. Le satellite tournera autour de la Terre jusqu’au 14 août 1958, date à laquelle il rentre dans l’atmosphère pour s’y consumer au-dessus des Antilles.
Retour sur Terre… vivants
En août 1960, l’URSS envoie cette fois-ci une véritable arche de Noé : deux chiennes, un lapin, quarante souris, deux rats, des mouches des fruits et des plantes. Ils vont tous effectuées une série de révolutions autour de la Terre. Ce vol orbital est une réussite car c’est le premier dont les passagers reviennent vivants. L’une des chiennes, Strelka, met bas six mois après son atterrissage et un de ses chiots est offert à la fille de John Fitzgerald Kennedy par Nikita Khrouchtchev.
Dans un contexte de guerre froide et de concurrence spatiale entre les deux blocs, les Etats-Unis répliquent en janvier 1961 en envoyant dans l’espace le chimpanzé Ham dont le vol définit la trajectoire suivie par le premier Américain dans l’espace, Alan Shepard, un mois après la mission historique de Iouri Gagarine du 12 avril 1961. Les Américains n’ont placé qu’un seul animal en orbite complète, le chimpanzé Enos, en novembre 1961. L’objectif était de tester la capsule à bord de laquelle devait prendre place John Glenn pour le premier vol orbital américain, en février 1962.
Félicette, première Française dans l’espace
Outre les Russes et les Américains, de nombreux pays ont utilisé des animaux comme cobayes de l’espace. La France est par exemple le premier pays à envoyer une chatte dans l’espace. Le 18 octobre 1963, Félicette a quitté le plancher des vaches à bord d’une fusée Véronique en plein désert algérien. A 157 kilomètres d’altitude, elle est mise pendant cinq minutes en apesanteur. Une fois revenue au sol, Félicette est observée attentivement par les scientifiques afin de détecter les conséquences de son voyage spatial. Finalement, le félin est sacrifié pour la cause spatiale : Félicette est en effet euthanasiée afin d’être autopsiée.
En 2001, la Chine envoie à son tour en orbite un vaisseau spatial avec divers animaux à bord. Depuis, Pékin a rejoint le groupe restreint des puissances spatiales, en envoyant en 2003 par ses propres moyens des taïkonautes dans l’espace. Quant à l’Iran qui a annoncé vouloir envoyer un homme dans l’espace, il a testé avec succès, en 2010, une fusée de fabrication locale, contenant plusieurs animaux vivants, dont un rat, des tortues et des vers, et a envoyé en 2013 deux singes dans l’espace.
Les effets des séjours spatiaux… sur la fécondité
Tortues, araignées, poissons, rats, vers, tritons.. la liste des espèces envoyées dans le cosmos est longue et ces missions ont permis de nombreuses découvertes scientifiques. En septembre 2007, des tardigrades, animaux microscopiques connus pour leur robustesse, ont survécu au vide et aux radiations de l’espace. A leur retour, la plupart de ces minuscules invertébrés ne présentaient aucune altération biologique, et se sont même reproduits normalement, suggérant une réparation de leur ADN détérioré par les rayons ultraviolets.
En 2014, des scientifiques japonais réalisent des fécondations in vitro avec du sperme de souris stocké pendant neuf mois dans la Station spatiale internationale (ISS). La naissance de 73 souriceaux en bonne santé montre une régénération de l’ADN endommagé après la fertilisation, une expérience qui selon les chercheurs pourrait avoir des retombées importantes pour de futures colonies humaines dans l’espace.
Laïka — du mot russe « aboyer » — avait été sélectionnée parmi cinq ou six concurrentes pour sa débrouillardise, son caractère particulièrement docile et son regard légèrement interrogatif. « Bien sûr qu’on savait qu’elle devait périr dans ce vol, faute de moyen de la récupérer, inexistant à l’époque », poursuit la vieille dame. La veille de sa mission, « je suis allée la voir, je lui ai demandé de nous pardonner et j’ai même pleuré en la caressant une dernière fois », se souvient-elle.
Morte en quelques heures
Le lancement du Spoutnik avec Laïka, le 3 novembre 1957 à 5h30 (heure de Moscou), au Kazakhstan, depuis le futur cosmodrome de Baïkonour, « ne laissait rien présager de mauvais », se souvient Adilia Kotovskaïa. « Certes, lors de la montée de la fusée, le rythme cardiaque de Laïka a augmenté considérablement ». Mais au bout de trois heures la chienne a récupéré son rythme normal. Mais tout à coup, après la neuvième rotation autour de la Terre, la température à l’intérieur de la capsule de Laïka commence à augmenter et dépasse 40°C, faute de protection suffisante contre les radiations solaires.
Résultat: Laïka, qui aurait dû rester en vie entre huit et dix jours, est morte au bout de quelques heures à cause de la chaleur et de déshydratation. La radio soviétique a continué malgré tout à publier des rapports quotidiens sur « la bonne santé de Laïka », devenue héroïne planétaire.
Selon la version officielle, longtemps soutenue par Moscou, Laïka a trouvé la mort grâce à un poison qu’elle a reçu avec sa nourriture pour éviter une mort douloureuse lors du retour de l’engin dans l’atmosphère. Le Spoutnik lui-même s’est désintégré dans l’atmosphère le 14 avril 1958, au-dessus des Antilles, avec sa passagère morte depuis cinq mois.
Le 19 août 1960, un vol spatial ramène vivantes deux chiennes envoyées dans l’espace, Belka et Strelka, ouvrant la voie au premier vol habité du Soviétique Iouri Gagarine, le 12 avril 1961.
Toute reproduction interdite
3 novembre 1957, Laïka devient la première chienne de l’espace
(© Laïka devient la première chienne de l’espace)
Ce 3 novembre 1957, pour la première dans l’histoire de l’humanité, un être vivant est envoyé en orbite autour de la terre: c’est Laïka, la première chienne de l’espace.
À peine un mois avant, le lancement du 1er satellite artificiel, Spoutnik 1, a signé le démarrage de la conquête spatiale. En pleine guerre froide, dans un contexte de concurrence féroce entre l’URSS et les Etats-Unis, les russes veulent frapper à nouveau un grand coup.
Le 3 novembre, Spoutnik 2 est lancé avec à son bord la jeune chienne Laïka, bardée de capteurs. La pauvre bête ne survivra que 7 heures, faute d’oxygène. Mais c’est suffisant pour les scientifiques à qui ce sacrifice va apporter une foule de données sur la réaction d’un organisme vivant en apesanteur.
Aujourd’hui, la conquête spatiale continue, mais avec d’autres acteurs. Il y a 10 jours la Chine a lancé une sonde lunaire. L’empire du milieu s’est fixé comme objectif d’être le premier pays asiatique a envoyé des hommes sur la Lune.
Le 3 novembre 1957, la chienne Laïka était envoyée dans l’espace
D’un coup, la température dans la capsule grimpe
Le 3 novembre 1957, le lancement du Spoutnik avec Laïka « ne laissait rien présager de mauvais », se souvient Adilia Kotovskaïa. « Certes, lors de la montée de la fusée, le rythme cardiaque de Laïka a augmenté considérablement ». Au bout de trois heures la chienne a récupéré son rythme normal. Mais tout à coup, après la neuvième rotation autour de la Terre, la température à l’intérieur de la capsule de Laïka commence à augmenter et dépasse 40°C, faute de protection suffisante contre les radiations solaires. La chienne meurt alors en quelques heures à cause de la déshydratation. Cependant, la radio soviétique a continué malgré tout à publier des rapports quotidiens sur « la bonne santé de Laïka », devenue héroïne planétaire. Selon la version officielle, longtemps soutenue par Moscou, Laïka a trouvé la mort grâce à un poison qu’elle a reçu avec sa nourriture pour éviter une mort douloureuse lors du retour de l’engin dans l’atmosphère.
Le 19 août 1960, un vol spatial ramène vivantes deux chiennes envoyées dans l’espace, Belka et Strelka suivi en 1961 par le Soviétique Iouri Gagarine. Trois ans plus tard, le 18 octobre 1963, une chatte nommée Félicette décolle depuis la base d’Hammaguir, au Sahara à bord d’une fusée Véronique.
Opéra pour enfants chanté en français
Introduction au spectacle par Anne Schwaller à 16h dans la salle
Créé à Londres dans une composition de Russell Hepplewhite et un livret de Tim Yealland, l’opéra pour enfants Laïka, le chien de l’espace est proposé en création suisse par le NOF – Nouvel Opéra Fribourg et la Compagnie Pièces Jointes. Sur scène, huit chanteurs et musiciens et un comédien-marionnettiste retracent avec onirisme une épopée unique en son genre, celle d’une petite chienne perdue dans un parc moscovite devenue une icône de la conquête spatiale.
1957. Nikita Khrouchtchev décide de marquer les esprits en lançant en orbite le premier vol habité de l’histoire. C’est à une jeune bâtarde, mi-husky, mi-terrier, que revient le redoutable honneur d’occuper Spoutnik 2. Mais l’héroïne à quatre pattes mourra quelques heures seulement après le lancement du satellite… Fresque scientifico-historique, cet opéra à la fois didactique et merveilleux fait voyager le public de Moscou à la Lune en mêlant sur scène marionnette, musiques entraînantes et animations vidéo.
composition Russell Hepplewhite livret Tim Yealland direction musicale Stephanie Gurga mise en scène Anne Schwaller interprétation Laurène Paternò, Alfred Bironien, Marie Cubaynes, Vincent Casagrande, Yves Adam assistanat mise en scène Emmanuelle Ricci scénographie Valère Girardin marionnette Pierre Monnerat quatuor instrumental Michele Danzi, Valentina Rebaudo, Anna Minten, Annick Richard création vidéo Les Frères Guillaume costumes Cécile Revaz lumière Eloi Gianini
3 novembre 1957. La petite chienne envoyée dans l’espace par les Russes rentre saine et sauve de son escapade en orbite. Un retour inattendu, qui va bouleverser les relations entre les hommes et les animaux, dont on prend soudain conscience qu’ils sont au moins aussi intelligents que notre espèce…
Ce qui s’est vraiment passé
Le 3 novembre 1957, un mois après le lancement du satellite Spoutnik 1, les Russes envoient pour la première fois un être vivant dans l’espace. Laïka – c’est son nom – est une petite chienne bâtarde alors âgée de trois ans, trouvée errant dans les rues de Moscou quelques mois plus tôt. Elle serait morte sept heures après le lancement de Spoutnik 2, à cause du stress et d’une défaillance du système de régulation de la température du satellite.
6 août 2015, 10 h 05, à Iqaluit, territoire inuit du Nunavut (Canada), l’un des derniers bastions carnivores de la planète.
Enfin, la sonnerie de Skype retentit. Les pommettes saillantes, les prunelles toujours aussi noires, le visage de Sakari surgit à l’écran. Attablée au bureau de sa minuscule chambre de bonne parisienne, elle a l’air épuisée. Les huit heures de décalage entre Iqaluit et Paris se font sûrement sentir. À l’autre bout du fil, son petit frère Tikaani engage la conversation : » Bon, merci de me répondre. Je sais qu’il est tard pour toi mais j’ai un exposé sur les premières heures de la société animaliste à rendre pour demain et je suis à la bourre… » Sakari détache ses cheveux, bâille, puis sourit. Son petit frère reprend : » Les parents sont allés chasser aujourd’hui. Ils ont encore ramené deux jeunes phoques… «
Photographie de Laïka dans son vaisseau Spoutnik 2 en 1957, publiée sur le Time.
– Tikaani, tu sais bien que c’est impossible d’être végan pour un Inuit, reprend Sakari. Nous n’y pouvons rien. Pour vivre sans tuer d’animaux, il faut descendre près des villes.
– Je n’arrive pas à le croire. Comment a-t-on fait, au départ, pour convaincre des milliards d’individus d’abandonner l’alimentation de leurs ancêtres ? Je veux dire, c’est pas que les gens soient têtus, mais bon…
– C’est parti d’un défi, figure-toi – comme toutes les grandes découvertes. Nous sommes en 1957, aux premières heures de la conquête spatiale, quand les Russes décident d’envoyer une chienne dans l’espace pour examiner les conséquences de l’apesanteur sur son organisme. Avec tous les tests qu’on lui avait fait subir, toutes ces heures dans des cages exiguës et ces passages dans la centrifugeuse du centre de Baïkonour, les scientifiques pensaient en faire un légume tout juste bon à prouver aux Américains que les Russes étaient les premiers à envoyer du vivant dans l’espace. Sauf que son vaisseau, le Spoutnik 2, a dévié sa course avant de retomber, intact, dans le désert du Nouveau-Mexique. Dix ans tout juste après Roswell ! Les Américains ont cru à un nouvel extraterrestre. Sauf que cette fois, c’était bien Laïka, la petite chienne errante née dans les rues de Moscou. Et elle n’était pas devenue un légume, bien au contraire.
» Au lieu d’enfermer Laïka dans une machine à laquelle elle ne comprendrait rien, les Russes lui ont enseigné une séquence d’actions qui permettraient à la capsule de revenir sur Terre. «
– Mais comment elle a fait ? J’essaie d’apprendre des tours à mon husky. Voltaire m’impressionne beaucoup, mais je ne suis toujours pas convaincu qu’il pourrait piloter un module.
– Ce n’est pas venu d’elle, c’est venu des hommes. Au lieu d’enfermer Laïka dans une machine à laquelle elle ne comprendrait rien, les Russes lui ont enseigné une séquence d’actions qui permettraient à la capsule de revenir sur Terre – pariant qu’elle ferait peut-être ce choix, une fois là-haut. Le retour surprise de Laïka les conduisit à adapter tout leur programme spatial aux capacités animales – après tout, ça évitait de sacrifier des hommes ! Par la suite, le programme d’éducation des primates et les progrès de la communication inter-espèces furent tels que le 20 juillet 1969, Sergueï le chimpanzé fut le premier hominoïde à marcher sur la Lune. Plus que de simples cobayes, ces premiers voyageurs spatiaux développèrent dans tout le bloc soviétique un respect de l’animal sans pareil.
– Tout ça grâce à Laïka ?
Photographie de Laïka, premier animal cosmonaute publié sur dkfindout.
– Non, c’est un peu plus compliqué que ça. Dans les années 1970, les Russes ont développé des trésors d’ingéniosité pour apprendre aux chiens, aux singes, et même à une jument – pauvre Nikita ! – à coopérer. Pire : en 1981, lorsqu’ils envoyèrent un cosmonaute, le module explosa. Ce pur coup du sort scella le destin du programme spatial humain : on y trouva la preuve éclatante (très éclatante même, c’est le moins qu’on puisse dire…) que l’espace n’était pas un domaine hospitalier pour les humains. Partout ailleurs, cette attention insensée portée aux animaux dans le but de les exploiter finit par faire passer les Russes pour des barbares. Les Américains étaient même convaincus d’avoir été » choisis « , voyant dans le retour de Laïka sur leur sol une volonté de fuir de l’autre côté du rideau de fer. Ils pensaient être le peuple élu, celui qui devait guider l’humanité vers un nouveau modèle de société animaliste.
Le dégoût pour la violence à l’encontre des animaux était tel chez eux qu’en 1988, après deux décennies d’activisme intense, le président animaliste Terrence Malick acheva son mandat avec un coup d’éclat : la révocation de l’amendement sur le port d’armes. Fini la chasse, fini la production d’armes. Les Américains mirent plutôt le paquet sur la robotique. Des investissements qui ont permis de relancer la conquête spatiale mais » à l’américaine » cette fois, c’est-à-dire en envoyant des robots plutôt que des animaux, comme le faisaient les Russes. Pour les deux blocs, en tout cas, il était désormais hors de question d’envoyer un humain dans l’espace. Trop dangereux.
– Oui, pour le coup, même ici, au Nunavut, le renoncement humain à rejoindre les étoiles a envoyé un message fort : on ne quittera pas la Terre. Sous-entendu : si elle est foutue, nous le sommes aussi, contrairement à ce que prétendent les utopistes s’imaginant qu’on pourra toujours partir un jour terraformer Jupiter. Enfin bon, ici, ça n’a pas suffi à arrêter la chasse au phoque… Comment ont-ils fait en Europe ? Il a suffi de dire aux gens que les animaux étaient intelligents pour qu’ils arrêtent de les manger ?!
» Au lieu d’explorer l’espace, l’homme a choisi d’explorer l’animal, et il y a découvert plus d’intelligence que dans toutes les galaxies réunies. «
– Depuis des années, on enseignait aux enfants, partout sur Terre, qu’ils appartenaient à l’espèce la plus intelligente, tout ça parce qu’elle savait manipuler plus d’objets… Le programme Spoutnik a révélé à la face du monde que l’intelligence manipulative des animaux était au moins équivalente à la nôtre. Il a fallu démontrer que la maîtrise de la technique, même sous ses formes les plus complexes, n’était pas l’apanage de l’homme pour que ce dernier daigne enfin considérer l’intelligence animale dans toute sa complexité. C’était comme découvrir les Indiens d’Amérique ! Ce pauvre Homo sapiens, persuadé d’avoir toujours été seul sur Terre, découvrait que les primates, les cétacés, les félins, les insectes et les autres n’étaient pas des peluches, mais bien des individus mettant au point des structures sociales très élaborées. Au milieu des années 1980, même les Russes se mirent à investir des milliards de roubles dans l’étude de la biodiversité et de l’intelligence animale au lieu de s’acharner à envoyer des animaux en orbite : au lieu d’explorer l’espace, l’homme a choisi d’explorer l’animal, et il y a découvert plus d’intelligence que dans toutes les galaxies réunies. Chaque expérience révélait une vie infraterrestre insoupçonnée. Et une fois que tu considères un être vivant comme un individu… eh bien, tu ne peux plus le manger !
– Je sais de quoi tu parles : j’ai voulu arrêter de manger du phoque après avoir adopté Pythagore, tu te rappelles ?
– Bien sûr. » Ça n’est qu’un phoque ! » avait crié papa le jour où il avait insisté pour qu’on le mange…
– Sérieusement, les gens ne mangent plus de viande aujourd’hui ?
– Plus dans les mégalopoles, en tout cas. Après la révélation du programme Spoutnik, la viande se vendait moins bien et les élevages ont fermé les uns après les autres. Ça peut sembler bizarre car Laïka était un chien et pas un bœuf ou un poulet, mais il faut croire que la preuve flagrante de l’intelligence animale a donné envie au plus grand nombre de changer de régime. La gastronomie traditionnelle russe, pourtant ultra-carnée, disparut au profit de fausses saucisses à base d’orge, tandis que la culture de dizaines de végétaux dont on ignorait connut un boom sans précédent.
» Officiellement, l’effondrement définitif de l’industrie de la viande correspond à la chute des abattoirs de Moscou, en 1989. «
Très vite, les éleveurs se sont rendu compte qu’ils pouvaient vendre des steaks d’épeautre aussi cher qu’une tranche de charolaise, alors que ça coûtait cent fois moins à produire… La conversion de tout un secteur se fit en quinze ans à peine. Burger King a ouvert son premier restaurant végétarien à Saint-Pétersbourg en mars 1965, puis son deuxième à Chicago, un an plus tard. Aujourd’hui, sur les quelque 12 000 restaurants de la chaîne, plus aucun ne sert de la viande ! À midi, je me suis d’ailleurs fait un Triple Whooper quinoa / champignons / pois chiches. Blindé de sauce blanche, avec les petits cornichons… Un délice. Officiellement, l’effondrement définitif de l’industrie de la viande correspond à la chute des abattoirs de Moscou, en 1989.
– Et les gens ont laissé faire ?
Illustration de Laïka, publiée sur englishtouringopera.
– Oui. La guerre est toujours restée froide entre les États-Unis, opposés dès 1957 à l’exploitation animale, et l’URSS, qui la poursuivit encore quelques décennies au nom de la science avant, finalement, d’y renoncer. Après, c’est vrai : certains partis politiques, d’extrême droite notamment, militent toujours fermement pour le retour de la barbaque ; ils dénoncent une » chasse aux gigots » et réclament en priorité la légalisation des » viandes blanches « . Ils sont dingues… Ok, on trouve encore des dealers de produits » certifiés d’origine animale « , surtout à la campagne, mais les choses se passent quand même plus sereinement qu’au temps de la prohibition…
– La révolution animaliste a tout de suite concerné tous les individus, comme par magie ?
– Disons que la prise en considération de l’intelligence animale a été plus rapide en Occident, où les classes moyennes et populaires étaient prêtes à changer leur alimentation au nom du boycott du bloc soviétique. Le dégoût pour les camps de mammifères voués à approvisionner les villes en escalopes a gagné de plus en plus de monde. Mais les Américains n’ont pas eu que des bonnes idées, je te rassure. Tiens, la semaine dernière, je suis allée à la Cinémathèque. Écoute ça, tu vas adorer : en 1975, un film a tenté de rappeler la peur qu’il fallait ressentir devant une vie incarnée sous forme d’ailerons et de branchies : Les Dents de la mer fut mondialement rejeté par le public comme une œuvre de propagande réactionnaire vouée à alimenter la haine de l’océan afin de justifier la poursuite des massacres de requins. Le film est pourtant assez chouette, mais pas autant que Jurassic Park, de Steven Spielberg, dans lequel des dinosaures partent à la conquête d’une île où on tente de les séquestrer…
– Ce qui me paraît incroyable, c’est qu’une idéologie américaine ait pu s’étendre au monde entier…
– Oh, c’est loin d’être simplement une » idéologie américaine « . Quand Laïka revient sur Terre, l’Inde est sur le point de célébrer le dixième anniversaire de l’assassinat de Gandhi. La médiatisation de l’artisan de l’indépendance indienne vient à point nommé pour le mouvement animaliste. En Chine, la traduction de son discours prononcé en 1931 devant la société végétarienne de Londres se vend alors aussi bien que le Petit Livre rouge, Mao voyant là un moyen de s’opposer au capitalisme et aux lobbys du blé et des algues hyperprotéinées comme la spiruline.
– Ok, mais ça n’explique pas les changements opérés au Brésil, en Afrique du Sud et dans tout un tas d’autres pays qui ont suivi cette voie…
– Le 15 octobre 1968, la Déclaration universelle des droits de l’animal (Duda) fut ratifiée par plus de 88 pays au palais de Chaillot, à Paris : » Tous les animaux ont des droits égaux à l’existence dans le cadre des équilibres biologiques (…). Toute vie animale a droit au respect (…). L’animal mort doit être traité avec décence… » Sans contester ce texte à voix haute, une poignée de pays refusa pourtant de l’entériner. On les connaît. Il y a la Russie, alors opposée à l’interdiction de l’expérimentation animale, l’Espagne, dont l’amour pour la corrida entrait en contradiction avec l’affirmation selon laquelle » les spectacles utilisant des animaux doivent respecter leur dignité et ne comporter aucune violence « , le Canada (sous la pression des Inuits, notamment), ainsi que certains pays d’Afrique. Avec le temps, la Russie, l’Espagne, le Maroc et même la Palestine ont fini par ratifier la Duda. Désormais, les Espagnols regardent des corridas sur des écrans de cinéma circulaires, avec des lunettes 3D et des taureaux en images de synthèse. Et au Maroc, le faux-mouton, à base de soja fermenté et rempli d’une sauce au poivron rouge en guise de sang, a fini par avoir les honneurs des imams, qui redécouvrent fort à propos les passages végétaristes du Coran. Désormais, on compte moins de 80 millions de mangeurs de viande sur Terre, dont toi, contraint et forcé… C’est encore trop, mais c’est déjà une petite révolution.
– Parle-moi un peu de Paris : comment ça se passe là-bas ? J’ai lu que la France a longtemps été le pays du foie gras et du fromage…
» Depuis douze ans, il existe des écoles animales où, sans les dresser, on leur apprend à vivre en milieu anthropisé. «
– En 2015, Paris a obtenu le label de » métropole inter-espèces « , rejoignant des villes comme New York, Los Angeles, Moscou, Shanghai, Venise et Londres. Des couloirs sont réservés aux petites bêtes, sous terre et entre les toits des immeubles. Hier, j’ai vu un lynx traverser le balcon de l’hôtel Lutetia ! Mais attention : les animaux qui ont choisi de vivre dans les villes ont été éduqués. Depuis douze ans, il existe des écoles animales où, sans les dresser, on leur apprend à vivre en milieu anthropisé. On apprend aux primates à prendre le métro et aux panthères à emprunter les tunnels de verre qui leur sont réservés, désormais obligatoires, sur tous les axes principaux. Pour les herbivores, des salles de broute ont été mises en place : au rez-de-chaussée des bâtiments, des prés parfaitement entretenus leur offrent de l’herbe fraîche, prête à mâcher 24 h/24. Tu vois, on est loin de l’apartheid. Avec les droits de l’animal, l’homme ne s’est pas coupé du monde infraterrestre, il a simplement appris à le respecter et à l’inviter cordialement dans la civilisation du futur. Ici, les gens sont végans sans même y penser. Seuls les animalistes les plus fervents voudraient voir les espèces immigrées retourner dans leur pays d’origine. Alors qu’il n’y a rien de plus beau qu’un vol d’ibis rouges au-dessus du boulevard Haussmann !
Timbre à l’effigie de Laïka
– Les gens ont encore le droit d’avoir des animaux de compagnie ?
– Bien sûr ! L’équitation s’est développée, avec un système de mors qui n’entrave plus du tout le cheval ; les chats continuent de jouir du confort que leur offrent les intérieurs coquets des humains et dont ils raffolent, tandis que l’école est devenue obligatoire pour les chiens de 2 à 12 mois depuis 2009. On leur sert des croquettes véganes enrichies en vitamines : comme les adolescents qui adorent les nuggets au blé de chez KFC, et qui ne se sont même pas rendu compte qu’on avait remplacé le poulet d’origine ! Ils se sont adaptés à une vie en milieu urbain, où la nature est souvent factice mais toujours douce : leur organisme a admis que leur alimentation ne soit plus celle de l’holocène, mais de l’anthropocène. Et sur les places, jusque dans les villages, on croise des mémoriaux dédiés aux animaux sacrifiés pendant des siècles pour la science et la gastronomie. Parce qu’il ne faut pas oublier, sinon ça recommencera. Je dois te laisser… Tu as de quoi faire ton exposé, c’est bon ?
– Tu parles ! J’ai de quoi écrire une nouvelle.
– Alors je file me coucher… Embrasse Voltaire pour moi.
Illustration de une réalisée par Karolis Strautniekas pour Usbek & Rica.
Article paru dans numéro le 16 d’Usbek & Rica. Auteur : Camille Brunel.